Depuis l’adoption en septembre 2020 de la Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène renouvelable ou bas carbone, la France accélère le déploiement de l’hydrogène, en consacrant 10 milliards d’euros à la filière d’ici 2030. La stratégie vise à cet horizon une capacité de production d’hydrogène par électrolyse de 6,5 GW, correspondant à la production de 680 000 tonnes d’hydrogène bas carbone. Cette accélération a été amplifiée à la suite de la guerre en Ukraine qui souligne la nécessité pour les pays européens de réduire leur dépendance aux importations d’hydrocarbures. Les régions jouent un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre de cette stratégie.
Vecteur énergétique, l’hydrogène peut être produit localement, à partir de l’électrolyse de l’eau ou de la pyrolyse ou la gazéification de la biomasse. Il permet de valoriser, convertir, stocker et restituer en temps voulu les énergies renouvelables disponibles sur un territoire. Les projets de production d’hydrogène et les écosystèmes articulant production, distribution et usage de l’hydrogène se multiplient dans l’ensemble des régions, comme l’illustrent les résultats de l’appel à projets « Écosystèmes territoriaux hydrogène » de l’ADEME.
Les régions en chefs de file du déploiement
Les douze régions de métropole (hors Corse) ont adopté des feuilles de route pour le déploiement de l’hydrogène. Chefs de file du développement économique et du pilotage de la transition énergétique, les régions interviennent à plusieurs niveaux pour favoriser le développement de la filière hydrogène. Elles accompagnent le développement des entreprises de la filière implantées sur leur territoire. Elles recourent à l’hydrogène pour les mobilités qu’elles maîtrisent. Plusieurs régions ont lancé des projets pour convertir une partie de leurs flottes d’autocars de transport interurbain à une motorisation hydrogène. L’hydrogène est en effet particulièrement bien adapté pour les véhicules lourds et les transports longue distance. Quatre régions ont également commandé à Alstom des rames de TER bimodes à alimentation électrique et hydrogène, afin de remplacer les rames diesel sur les lignes non électrifiées. La région Bretagne s’est fixé des objectifs ambitieux pour convertir à l’hydrogène sa flotte de navires desservant les îles bretonnes. Dans le cadre du projet Hylias, un premier bateau à hydrogène doit être livré à la région en 2024. Plusieurs régions planifient également la mise en place d’un maillage cohérent et adapté en stations de distribution d’hydrogène pour la mobilité, notamment le long d’axes autoroutiers nationaux et européens. À ce titre on peut citer les projets Zero Emission Valley en Auvergne-Rhône-Alpes, EAS-HyMob en Normandie et Corridor H2 en Occitanie. Certaines régions intègrent dans leur planification des projets de production massive d’hydrogène, comme la région Occitanie, avec le projet HYVOO de construction d’une usine de production d’hydrogène renouvelable à Port- La-Nouvelle dans l’Aude. Cette usine, annoncée pour fin 2023, d’une capacité de 10 MW, doit à terme permettre de produire plus de 6 000 tonnes d’hydrogène par an.
De nombreux projets d’écosystèmes portés par les collectivités
Les autres niveaux de collectivités, en particulier les métropoles, les communautés d’agglomération et les communautés de communes portent, elles aussi, des projets de déploiement de mobilité hydrogène. Ainsi, plus de 30 collectivités ont lancé le déploiement de bus H2, avec un total de 500 bus à horizon 2025-2030, alors que circulent aujourd’hui une trentaine de bus à hydrogène en France. Quatorze collectivités ont également annoncé leur volonté d’acquérir des camions bennes à ordures ménagères (BOM) à hydrogène, avec un total de 110 BOM à horizon 2025-2030.
La métropole européenne de Lille a lancé le projet Hyléos, dans le cadre duquel de l’hydrogène renouvelable issu de l’électricité produite à partir des déchets au centre de valorisation énergétique (CVE) d’Halluin permettra notamment d’alimenter 42 bus et cinq camions bennes à ordures ménagères circulant sur le territoire métropolitain. On peut également citer les métropoles et communautés d’agglomération d’Auxerre, Belfort, Dijon, Metz, Pau et du Mans, qui ont toutes initié la mise en place d’écosystèmes hydrogène autour de la conversion d’une partie de leurs flottes de bus et de BOM. Le premier camion BOM à hydrogène de France a été livré en septembre 2021 à la communauté de communes Touraine Vallée de l’Indre.
Arrivée prochaine du transport routier H2 de marchandises
Plusieurs projets visent également le développement de camions de transport de marchandises à hydrogène. En région Sud, le programme CATHyOPE, porté par un consortium regroupant GreenGT, les Transports Chabas et Carrefour, a présenté fin mars le premier camion à hydrogène fabriqué en France. Le projet HyAMMED vise quant à lui à valoriser de l’hydrogène bas carbone co-produit par l’industriel Kem One à Fos-Sur- Mer dans des applications de mobilité zéro-émission de véhicules lourds longue distance. Le projet prévoit le déploiement de sept camions à hydrogène de 44 tonnes dès cette année, qui effectueront des missions de livraisons régionales de 650 à 750 km/jour en moyenne. Le projet Corridor H2 prévoit la création d’une flotte de 40 poids lourds à propulsion hydrogène. Par ailleurs, plusieurs constructeurs majeurs de poids lourds ont annoncé la commercialisation prochaine de modèles à hydrogène.
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Montée en puissance de la production d’hydrogène
En septembre 2021, la société Lhyfe a inauguré à Bouin en Vendée le premier site français de production d’hydrogène renouvelable directement raccordé à un parc éolien, en partenariat avec le SYDEV, le syndicat départemental d’énergie de la Vendée. Le site de Bouin, alimenté par trois éoliennes et équipé d’un électrolyseur de 2,5 MW, a une capacité de production d’une tonne d’hydrogène par jour. Des projets se développent également pour produire de l’hydrogène renouvelable à partir de biomasse. C’est par exemple le cas du projet R-HYNOCA à Strasbourg.
En termes de production massive d’hydrogène renouvelable, le projet Normand’Hy, situé à Port-Jérôme-sur- Seine, d’une capacité de 200 MW, doit entrer en service en 2024, pour produire 28 tonnes H2/an, représentant ainsi 3 % de la production nationale totale actuelle d’hydrogène. Le projet HyGreen Provence, situé à Manosque, vise la production massive et le stockage d’hydrogène produit à partir d’électricité photovoltaïque. D’ici 2028, 1 500 GWh/ an d’électricité renouvelable doivent être convertis en hydrogène, correspondant à 30 000 tonnes d’hydrogène renouvelable.
Initiatives privées et décarbonation de l’industrie
Des plates-formes logistiques commencent à s’équiper de chariots élévateurs à hydrogène. C’est par exemple le cas de Lidl sur son entrepôt logistique de Carquefou à proximité de Nantes. Les engins de manutention à hydrogène se ravitaillent en 2 à 3 minutes seulement, ce qui rend cette solution plus intéressante que les véhicules à batteries.
Les projets de décarbonation de l’industrie s’appuyant sur le recours à l’hydrogène se multiplient également. À ce titre, on peut citer l’exemple du cimentier Vicat, qui va recourir à l’hydrogène pour réduire l’impact CO2 de la production de ciment, en produisant du méthanol à partir d’hydrogène et de CO2, et en convertissant à l’hydrogène sept camions de transport de pulvérulents, sur ses sites de Montalieu-Vercieu (projet Hynovi) et de Saint-Egrève en Isère.
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