Avec le programme « Action coeur de ville », les villes de taille moyenne se trouvent au cœur des efforts de relance et de redynamisation des pouvoirs publics. Les projets qui participent à ce travail de redynamisation – comme le développement de la mobilité propre et la rénovation énergétique des habitations et commerces – nécessitent des efforts de planification et des investissements importants qui doivent s’inscrire dans une stratégie nationale. Monsieur le Préfet Rollon Mouchel-Blaisot, directeur du programme Action Cœur de Ville, était avec nous le 17 février pour nous faire part de son analyse quant à la manière dont les villes peuvent relever ce défi de la revitalisation durable grâce à la rénovation énergétique et à la mobilité propre.
Ancien chef de cabinet dans le gouvernement d’Alain Juppé puis consul général de France, le préfet Rollon Mouchel-Blaisot a ensuite été Directeur Général de l’association des Maires de France et dirige aujourd’hui le programme national « Action Coeur de Ville » doté d’un budget de 5 milliards d’euros pour aider à la revitalisation des centres urbains des villes moyennes.
Pour notre président Brice Lalonde, une grande partie de la relance économique et de la transition énergétique se fera en effet par les collectivités locales avec d’importants enjeux et efforts en termes de vie urbaine, de redynamisation des centres-villes et de réduction de l’artificialisation de la nature.
Le programme « Action coeur de ville » a été lancé fin 2017 après des décennies d’éloignement des populations, mais aussi des services, des commerces et des activités, loin des centres-villes dans un mouvement de très grand étalement urbain et d’artificialisation des sols.
En même temps que ce phénomène, notre invité rappelle aussi que les villes moyennes étaient complètement sorties du radar des politiques publiques qui se sont longtemps concentrées sur la ruralité et l’émergence des métropoles. Mais cela a fortement joué sur l’abandon progressif des centres-villes avec des commerces qui ferment, des immeubles entiers inoccupés et une paupérisation des populations qui y sont restées. Sans compter le mouvement de désindustrialisation qui a touché de plein fouet nombre de ces villes pour qui l’industrie était une des activités principales.
C’est en réaction à ces évolutions que le programme « Action coeur de ville » est né, avec l’objectif de redonner à ces villes moyennes leur rôle de centralité à la fois économique et sociale sur les territoires. C’est donc un plan pour :
- soutenir l’attractivité de ces villes par la revitalisation de leur centres, pour faire revenir des habitants, des commerces, des services, des activités.
- limiter l’étalement commercial périphérique en donnant la possibilité aux élus de suspendre les nouveaux projets menaçant la revitalisation commerciale des centres-villes
- stopper l’étalement urbain en redonnant un intérêt à la vie en ville, en la rendant aussi plus simple et désirable.
Les 222 villes du programme n’ont donc pas été choisies sur un critère démographique mais plutôt sur leur rôle de centralité pour leur territoire.
Preuve de l’abandon flagrant, ces 222 villes comptabilisent à elles-seules 400 000 logements vacants dont beaucoup sont insalubres. D’importants chantiers de rénovation sont donc indispensables pour recréer une offre de logements à même de correspondre aux aspirations contemporaines de la vie en ville. A ce phénomène il faut également ajouter celui des « dents creuses » et autres friches qu’il est nécessaire de réhabiliter.
Sur les 5 milliards dont est doté « Action coeur de ville », 1,5 sont prévus sous forme de subventions pour compenser du mieux possible le surcoût de la rénovation par rapport à la construction neuve. De façon concrète, cela se traduit par une bonification de 1000€/m² lorsqu’une rénovation d’appartement est effectuée dans les villes du programme.
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« Action coeur de ville » : un programme global pour des projets locaux
Rollon Mouchel-Blaisot revient sur le fait que beaucoup de politiques publiques ont échoué à cause de leur nature descendante et verticale alors que, par exemple, on ne peut pas traiter le logement si on ne traite pas aussi le commerce, la mobilité, l’implantation des services, de l’activité économique, etc. Avec « Action coeur de ville », le projet de Colmar n’est pas celui de Carcassonne et il faut traiter tous ces sujets ensemble, en cohérence. Car il ne faut pas en même temps investir pour revitaliser le centre-ville tout en développant une nouvelle zone commerciale périphérique..
Au-delà de cette cohérence, cette globalité nécessaire, il est aussi important que ce ne soit pas l’Etat qui dicte ce qui doit être fait. Ce sont les Maires et leurs équipes municipales qui élaborent leur projet « Action coeur de ville » et l’Etat met ensuite en place le financement, les procédures, l’ingénierie, les mesures législatives et fiscales pour permettre aux villes de mener à bien ce projet.
Concernant la diminution de l’étalement urbain, en collaboration notamment avec le ministère de l’écologie, le projet « territoires pilotes en sobriété foncière » a été lancé dans le but de permettre à des villes de poursuivre leur développement en s’appuyant sur les principes de sobriété foncière qui devient alors non pas un handicap mais un atout d’attractivité du territoire. Ainsi, selon un récent sondage IFOP, 85% des Français aspirent à vivre dans une ville moyenne, à taille humaine où tout est à proximité et 1/3 des jeunes actifs des grandes métropoles souhaitent même déménager vers une ville moyenne. Il y a donc un profond changement de paradigme mais pour garder cette attractivité il faut aussi que ces villes soient plus accessibles au réseau national et européen.
A cette nécessité d’accessibilité s’ajoute en parallèle la fin du tout voiture en ville qui rend l’accès au centre-ville parfois difficile. Il faut alors trouver le bon équilibre, que les habitants puissent se garer quelque part et que les visiteurs puissent aussi venir dans le centre-ville. A Niort par exemple, la grande place centrale, qui a longtemps été un parking de presque 1000 places, a été transformée en parc urbain, un espace de nature en ville qui a revalorisé tout le quartier. Cette transformation a bien fonctionné car des solutions ont été mises en place pour équilibrer, avec un parking souterrain et des navettes publiques gratuites pour traverser le centre-ville plus facilement.
Ce système de navettes électriques gratuites est une innovation très intéressante qui montre à quel point ces villes moyennes sont riches d’idées et d’initiatives sur les circulations douces, les plateformes multimodales et les nouvelles technologies car elles sont à taille humaine et il est donc plus simple d’y expérimenter puis d’implanter certaines innovations.
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Le mot du président
Le président Brice Lalonde remercie Rollon Mouchel-Blaisot d’être venu donner de l’espoir avec un programme si passionnant et constate qu’il y a effectivement un retour vers la ville, vers la sociabilité et des centres-villes qui se transforment comme à Bordeaux ou certains arrondissements de Paris. C’est une sorte de nouvelle France qui est en train d’être inventée et à laquelle le programme Action coeur de ville participe. Reste toutefois à bien prendre en compte la nécessaire adaptation au changement climatique, la résilience que ces villes vont devoir avoir pour faire face aux transformations qui arrivent.