La pompe à chaleur haute température à compression électrique devient une technologie essentielle à la décarbonation de l’industrie. Cette innovation permet désormais de récupérer et valoriser la chaleur fatale et la chaleur renouvelable à des niveaux de température compatibles avec les exigences de l’industrie.
Vous avez dit « haute température » ?
Les pompes à chaleur (PAC) sont largement utilisées pour chauffer et/ou climatiser les bâtiments. Elles permettent également de produire l’eau chaude sanitaire, on parle alors de chauffe-eau thermodynamiques.
Les PAC sont également utilisées dans l’industrie depuis longtemps pour le chauffage des locaux mais également pour les procédés. C’est par exemple le cas de la préparation d’eau de lavage, de la cuisson, de la fermentation en agroalimentaire ou du séchage par air chaud. On les rencontre également en mode thermofrigopompe, lorsqu’elles produisent simultanément du chaud et du froid pour chauffer et refroidir un procédé.
Ces PAC dites standard sont capables de produire de la chaleur jusqu’à 70 °C, ce qui couvre 100 % des besoins dans le résidentiel et le tertiaire, mais seulement 4 % des besoins dans l’industrie.
Ces dernières années, des travaux de R&D ont permis d’atteindre des températures plus élevées et les PAC sont aujourd’hui capables de fournir de la chaleur jusqu’à 90 °C. On parle alors de PAC haute température(HT) et, pour des températures encore supérieures, de PAC très haute température.
Une double innovation
Innovation technologique
Les PAC utilisent l’air ambiant, la géothermie ou la chaleur fatale comme source de chaleur basse température. Le compresseur permet d’élever cette température mais le coefficient de performance (COP) de la PAC est inversement proportionnel à cette élévation. Le travail d’ingénierie pour permettre à ces machines de monter en température en gardant de bonnes performances a consisté à adapter les compresseurs et leur étanchéité, les réfrigérants à faible impact environnemental, les huiles moteur et les condenseurs.
Ainsi, les COP varient aujourd’hui de 2,4 à 5,8 pour des élévations de température allant de 40 à 95 °C.
Innovation d’ingénierie
Les premières réalisations ont été mises en oeuvre dans des réseaux de chaleur. 143 PAC sont à ce jour installées sur 80 réseaux de chaleur répartis dans onze pays européens, représentant une puissance de 1,6 GW thermiques. Ces PAC haute température y jouent différents rôles : injection de chaleur fatale ou renouvelable sur le retour, production de chaleur entre le retour et l’aller abaissant ainsi la température de retour et augmentant l’efficacité des chaudières, ou encore production de chaleur de réseau secondaire ou en sous-station pour un usage dédié.
La PAC HT répond également au souci de récupération de chaleur dans l’industrie. Ce gisement, jusqu’à maintenant peu exploité, consiste en l’installation d’échangeurs pour chauffer des locaux ou préchauffer de l’eau chaude. La récupération de chaleur, outre la simultanéité, pose le problème des différents niveaux de température entre la source à récupérer et le besoin à satisfaire.
C’est ce verrou que la PAC HT permet de lever, en élevant la température de chaleur récupérée, sous forme liquide, dans des eaux usées, des circuits de refroidissement, des condenseurs de groupes froids, ou sous forme gazeuse, dans l’air extrait des locaux ou des procédés, des buées des sécheurs, des fumées de chaudières ou de fours… à la température du besoin.
L’intégration énergétique consiste à concevoir les procédés et les utilités en optimisant les flux énergétiques. En Norvège, où l’électricité est peu chère et décarbonée, situation équivalente à la France, cela a conduit à la conception et à la réalisation de la première laiterie 100 % électrique. Les ingénieurs ont pour cela utilisé une cascade de production de chaleur et de froid à l’aide d’un groupe froid, d’une thermofrigopompe et d’une PAC HT.
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Des atouts indéniables qui confèrent à la PAC un rôle central dans la transition énergétique
Les PAC haute température présentent de nombreux avantages qui en font les championnes de la transition énergétique. Leur COP supérieur à 2,3 permet de réaliser des économies d’énergie les rendant éligible aux aides publiques (CEE, fonds chaleur). Il permet également d’effacer la différence de prix entre le gaz et l’électricité avec une réduction de la facture énergétique rendant possible l’amortissement de l’investissement.
Le remplacement de l’énergie fossile par l’électricité permet également des réductions massives des émissions de CO2. En France, le contenu carbone de l’électricité est, pour les usages industriels, de l’ordre de 55 g CO2/kWh. La valeur pour le gaz naturel est de l’ordre de 220 g CO2/kWh PCI, soit quatre fois plus. Ce rapport combiné à un COP de 4 conduit à une division par 16 des émissions de CO2, et donc une réduction supérieure à 90 % !
Enfin, la PAC HT permet l’intégration des EnR thermiques (géothermie, solaire thermique, chaleur fatale) et des EnR électriques (solaire photovoltaïque) qui contribuent à la couverture du talon de consommation électrique.
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Un marché qui s’ouvre, dopé par le plan de relance
Les PAC HT sont aujourd’hui capables de se substituer à 15 voire 30 TWh de chaleur annuellement produits par des énergies fossiles dans l’industrie. Leur utilisation peut s’étendre à des procédés jusqu’ici non regardés et dans des secteurs où elles sont restées peu répandues.
C’est plus particulièrement le cas des industries agro-alimentaires et chimiques et des papeteries, pour récupérer de la chaleur fatale ou autour des procédés de stérilisation, d’évaporation, de séchage…
Ce marché qui s’ouvre, tiré par leur utilisation dans les réseaux de chaleur, conduit les constructeurs à étoffer leur gamme d’équipement et à offrir aujourd’hui des produits allant en température jusqu’à 120 °C. Le plan de relance, à travers l’appel à projets « décarbonation de l’industrie » (1,2 milliard d’euros investis entre 2020 et 2022), vient doper ce secteur et les dispositifs incitatifs mis en place permettent de ramener les temps de retour brut à 24 mois, pour des durées de vie 15 à 20 ans.
La technologie continuera d’évoluer vers des températures toujours plus hautes (150 °C) et vers les réfrigérants naturels (NH3, CO2) ouvrant encore plus largement les usages à ceux de la vapeur basse pression. Les premières réalisations sont en cours sous forme de démonstrateurs.