« La crise du coronavirus nous rappelle le rôle indispensable de l’électricité dans nos vies. Il donne également un aperçu de la manière dont ce rôle devrait s’étendre et évoluer au cours des années et des décennies à venir. »
Fatih Birol, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie
L’après-crise du COVID-19 doit être pensée dans une perspective de long terme. La crise actuelle aura d’importantes conséquences, sociales, économiques, politiques et géopolitiques, que l’on entrevoit à peine aujourd’hui. Elle vient questionner notre modèle de développement dont les fragilités et les failles sont mises en lumière. Elle met à mal les économies française et européenne et souligne les faiblesses de nos systèmes de production dont la dépendance excessive envers des pays extérieurs est pleinement visible dans le secteur de la santé, mais qui peut se révéler redoutable dans d’autres secteurs tout aussi stratégiques.
Plus qu’une simple relance économique, c’est une véritable renaissance qu’il faut concevoir et il faut qu’elle soit fondée sur des bases solides, assurant à la France et à l’Europe un futur durable.
Après toutes les grandes crises des temps modernes, l’électricité a joué un rôle essentiel.
L’après-guerre a vu la reconstruction du système électrique français rendue possible par le plan Marshall et le plan Monnet, cependant que la création de la CECA marquait le début de l’aventure européenne. La crise pétrolière de 1974 a conduit au programme nucléaire français et à la création de l’Agence pour les économies d’énergie. La crise financière de 2008 a conduit à la stratégie 3 x 20 et a été le point de départ de l’essor des énergies renouvelables. Mais les résultats n’ont pas été à la hauteur des espérances et la France et l’Europe se sont à nouveau tournées vers les hydrocarbures pour soutenir leur redémarrage économique, au prix d’émissions de gaz à effet de serre qui sont reparties à la hausse.
Il faut donc aujourd’hui tirer les leçons de l’histoire et préparer l’avenir.
Mobilité des personnes, transport des marchandises, production industrielle, système de santé, communications et traitements numériques… l’énergie reste au coeur de notre société et de nos activités quotidiennes. Pensons simplement aux équipements sanitaires et à l’apport des outils numériques – en particulier pendant cette période de confinement – et à leur absolue dépendance à l’électricité.
Pour la France et pour l’Union européenne, assurer la sécurité de l’approvisionnement et son indépendance énergétique doit être une priorité majeure de la renaissance économique, aux côtés de l’impératif de décarbonation de la société, afin de préparer un futur durable et éviter que la catastrophe climatique ne vienne s’ajouter à la catastrophe sanitaire, même si les échelles de temps semblent aujourd’hui différentes.
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La question énergétique est donc à la base de toute politique de renaissance des économies française et européenne. Ce redémarrage doit être organisé dès à présent pour qu’il se fasse sur des bases conciliant l’impératif de rétablissement économique et celui de la décarbonation.
Le recours accru à l’électricité est la solution qui s’impose aujourd’hui
La France dispose d’un atout majeur : son système électrique, avec des moyens de production décarbonés opérationnels et des réseaux électriques robustes qui desservent l’ensemble du territoire. L’énergie électrique est le moyen de relancer l’activité économique sur des bases conformes aux orientations de la stratégie énergie-climat qu’il n’y a pas lieu aujourd’hui de remettre en cause dans ses principes.
Équilibre des Énergies appelle en conséquence les pouvoirs publics à lancer la deuxième révolution électrique, celle qui permettra de porter à 50 % la part de l’électricité dans le bilan des consommations. L’électricité est aujourd’hui le moyen le plus opérationnel et le moins coûteux pour s’affranchir des énergies fossiles qui sont pratiquement toutes importées, réduire les émissions de CO2 et donner à la France et à l’Europe la base industrielle moderne qui leur fait aujourd’hui défaut.
50 % d’électricité, cela veut dire également 50 % pour les autres énergies décarbonées (solaire thermique, géothermie, biomasse, hydrogène, gaz renouvelable, chaleur renouvelable, etc.). C’est là un autre défi et il est de taille. La France et l’Europe doivent s’y atteler pour parvenir à un mix équilibré mais il ne faut pas se tromper de combat : l’avenir n’est pas dans une confrontation entre l’électricité et les autres énergies décarbonées mais dans le développement de solutions qui permettent de sortir, dans des conditions économiques supportables, de la dépendance aux énergies fossiles qui couvrent aujourd’hui plus de 60 % des besoins.
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À l’heure où l’Union européenne importe la moitié de sa consommation énergétique, l’électricité ne répond qu’à un peu plus de 24 % de la consommation. Son potentiel de croissance, comme celui des autres énergies décarbonées, est considérable. Contrairement aux énergies fossiles, l’électricité est produite localement, ce qui signifie que l’électrification de l’économie permet à l’Union d’investir durablement dans ses propres infrastructures plutôt que de dépendre de fournisseurs extérieurs pour ses besoins énergétiques. Cela signifie également que les investissements nécessaires pour parer à l’urgence en temps de crise peuvent être redirigés vers des structures entièrement européennes sans faire appel à des ressources ou à des équipements importés des pays tiers.
Le Pacte Vert pour l’Europe doit être réorienté pour servir de point de départ à la renaissance européenne
Dans sa stratégie de long terme parue en décembre 2018, la Commission européenne prévoit que d’ici à 2050 la consommation électrique devrait être multipliée par deux au moins pour correspondre à 53 % de la consommation énergétique totale de l’Union européenne. Pourtant, le processus d’électrification qui permettrait de progresser vers cet objectif est aujourd’hui absent du projet de Pacte vert pour l’Europe proposé par la Commission. Certains textes européens, comme la directive sur la performance énergétique des bâtiments méconnaissent même la question du CO2, décourageant ainsi l’utilisation de l’énergie électrique.
Afin que la catastrophe écologique ne s’ajoute pas à la catastrophe économique, la renaissance européenne doit se faire sur des bases saines, où activités économiques et émissions de gaz à effet de serre se trouvent dissociées. L’électrification de l’économie est une opportunité pour l’Union de relancer son activité économique et de redéployer son industrie, sur des bases qui lui permettront à la fois de tirer parti des techniques de production modernes et de continuer sa progression vers une économie décarbonée. Équilibre des Énergies estime indispensable de réorienter le Pacte vert afin qu’il porte pleinement le projet d’électrification annoncé par l’Union européenne dans sa stratégie de long terme.
La crise que nous traversons met en lumière la nécessité pour la France et l’Europe de se recentrer sur leurs propres ressources énergétiques et industrielles pour que la période de relance réponde à l’impératif de rétablissement économique et à l’impératif climatique. Équilibre des Énergies appelle les pouvoirs publics français et la Commission européenne à organiser, dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe, la deuxième révolution électrique pour asseoir la renaissance européenne sur des bases économiques et climatiques saines et durables.