Le bâtiment est le premier consommateur d’énergie et deuxième émetteur de CO2.
La stratégie française pour l’énergie et le climat[1] dote la France d’une trajectoire visant à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Un objectif ambitieux annoncé dès le début de son mandat par le président de la République et pour lequel de nombreux manifestants se sont mobilisés samedi 16 mars, afin que l’Etat s’engage pleinement.
Cette stratégie présente une évolution du paysage énergétique où chaque énergie propre est utilisée là où elle est la plus pertinente
L’association Équilibre des Énergies souscrit à cette vision en adéquation avec les réalités économiques, sociales et technologiques de la France, en particulier dans le bâtiment, qui est le 1er secteur consommateur d’énergie et le 2ème émetteur de CO2. L’électricité, faisant de plus en plus appel aux énergies renouvelables[2] sera le fer de lance de la décarbonation, avec en appui la chaleur et le gaz renouvelables.
Mais, si cette stratégie est bonne sur le papier, sa mise en œuvre se heurte à un obstacle de taille dans le bâtiment, qu’il soit neuf ou existant : le coefficient de conversion en énergie primaire.
Contrairement à l’énergie finale[3], celle qui est consommée et payée par l’usager, l’énergie primaire[4] ne met pas toutes les énergies sur un pied d’égalité et attribue des coefficients forfaitaires à chacune d’entre elles.
Ainsi, l’énergie primaire multiplie les consommations d’électricité par 2,58 alors que les fossiles (gaz, fioul et autres produits pétroliers) ne subissent aucune majoration de ce type.
Alors que l’on veut sortir des énergies fossiles, il est paradoxal de demander plus d’efforts à l’électricité décarbonée produite sur le territoire national qu’aux énergies fossiles importées. C’est pourquoi, dans une logique aussi bien climatique qu’économique, Équilibre des Énergies appelle à revoir le coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire à la baisse .
Pour comprendre le coefficient énergie primaire / énergie finale :
Prenons comme exemple la réglementation thermique 2012 (RT 2012) qui régit la construction neuve et impose à chaque logement construit de consommer moins de 50 kilowattheures (kWh) d’énergie primaire (ep) par mètre carré (m²) et par an.
Cela implique qu’un logement fossile pourra se chauffer et disposer d’eau chaude pour 42 kWh/m²/an et émettre 10 kg CO2/m² par an alors qu’un logement électrique, pour les mêmes usages, aura l’obligation de consommer moins de 16 kWh/m²/an[5] bien qu’il émette à peine 3 kg CO2/m² par an[6].
La règle qui met sur pied d’égalité les performances énergétiques quelles que soient les énergies, conduit à construire plus de logements au bâti moins efficace et surtout trois fois plus émetteurs de CO2. La logique serait de se caler sur les règles de la politique énergétique française : moins de fossile, moins d’énergie finale, moins de CO2.
Le consommateur, en plus de contribuer à la transition écologique en réduisant ses émissions de CO2, y gagne financièrement en privilégiant l’électricité :
- Il n’est pas exposé à l’augmentation du prix des énergies fossiles que ce soit par la nécessaire montée en puissance de la fiscalité carbone ou à cause des soubresauts de la géopolitique internationale. L’électricité, décarbonée et produite en France, n’est pas concernée par ces deux complications majeures.
- Il évite d’avoir deux abonnements à payer (gaz et électricité) .
Est-il logique de permettre à un logement trois fois plus émetteur de CO2, de pouvoir consommer deux fois plus ? La réglementation s’inscrit dans une vision antinucléaire et dans la volonté de réduire la consommation d’électricité au nom d’une dogmatique énergie primaire. Par cette action elle ne laisse pas la place aux énergies décarbonées là où elles sont performantes (chaleurs renouvelables, hydraulique, nucléaire, biogaz, photovoltaïque, etc.). La réponse nécessaire est donc politique. Il est saisissant de voir combien les responsables politiques sont favorables aux véhicules électriques alors qu’ils ignorent l’obstacle opposé à l’électricité dans les bâtiments.
Interpelle Brice Lalonde, président de l’association Équilibre des Énergies.
Ce sont là des questions techniques méconnues qui ne ressortiront sans doute pas du Grand débat ou de la Marche du siècle car elles sont depuis trop longtemps réservées aux experts alors que le grand public, toujours plus désireux d’être acteur de sa transition énergétique, aurait intérêt à les connaître .
C’est pourquoi Équilibre des Énergies appelle les pouvoirs publics à fixer dans les meilleurs délais le coefficient de conversion de l’électricité à 2,1 comme le propose l’Union européenne, qui vise également la neutralité carbone en 2050. Grâce à cette mesure, un ensemble de solutions propres et économes, allant de la pompe à chaleur aux radiateurs connectés et intelligents, seront davantage accessibles aux Français, leur permettant ainsi de se « désintoxiquer » des énergies fossiles, tout en participant à la réussite des objectifs climatiques .
Pour mieux comprendre l’incidence du coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire sur les émissions de CO2 du Bâtiment
Télécharger le communiqué de presse
[1] Synthèse du scénario de référence de la Stratégie française pour l’énergie et le climat (version provisoire du 22 février 2019) – en annexes.
[2] Mix électrique français projeté à mi-chemin de la Stratégie énergie climat (2035) : 50% nucléaire, 45 % énergies renouvelables électriques (hydraulique, éolien, photovoltaïque, etc.), 5 % fossiles.
[3] Voir encadré énergie primaire / énergie finale.
[4] Voir encadré énergie primaire / énergie finale.
[5] Soit 50ep/2,58 = 19,3ef auquel on soustrait les usages non thermiques de l’ordre de 8 kWhef
[6] Source : contenu en CO2 des énergies du label E+/C-