Pourquoi le solaire photovoltaïque fait peur à certains ? Quelle peut être sa place dans le contexte actuel d’expérimentation du label E+C- (Energie Positive et Réduction Carbone) préfigurant la future Réglementation Bâtiment Responsable 2020 (RBR 2020) ? Quels sont ses atouts dans le cadre d’un mix énergétique équilibré ?
L’énergie solaire photovoltaïque est obtenue en transformant l’énergie du rayonnement solaire en électricité via des panneaux spécifiques. Cette énergie présente des atouts non négligeables. En effet, elle ne libère pas de gaz à effet de serre. De plus, les panneaux solaires peuvent être installés dans des lieux éloignés de tout réseau de distribution d’électricité. Cependant, le caractère renouvelable du photovoltaïque est discutable car la fabrication des panneaux photovoltaïques, leur installation et leur exploitation consomment de l’énergie issue en grande partie de sources non renouvelables.
Pour Frédéric Pignard, directeur RSE et Relations Institutionnelles de DAIKIN France, « la règlementation, au travers des exigences de la RT 2012 et du label E+C-, tend à opposer les différentes énergies entre elles : l’énergie primaire face à l’énergie finale, l’électricité au gaz, l’électricité renouvelable à la chaleur renouvelable, les pompes à chaleur (PAC) aux chaudières fossiles ou encore les émetteurs de chauffage électriques face à l’ensemble des solutions de chauffage existantes. Cette tendance conflictuelle sur le marché de l’énergie n’est pas en adéquation avec la Loi sur la Transition Energétique et le Plan Bas Carbone, lesquels favorisent au contraire un mix énergétique équilibré. »
Le label E+C-, source de déséquilibres ?
La chaleur renouvelable et l’électricité renouvelable n’échappent donc pas à cette mise en concurrence. Il est important de préciser ces termes. La chaleur renouvelable est produite à partir d’appareils ou de systèmes puisant les calories dans le milieu naturel (terre, eau, air, soleil) ou dans le bâtiment à chauffer (air extrait, eaux grises…) pour les restituer soit dans l’air intérieur à chauffer (PAC air/air) ou dans l’eau (PAC air/eau, PAC géothermiques, PAC eau chaude sanitaire ECS, panneaux solaires thermiques, réseaux de chaleur vertueux). L’électricité renouvelable est générée à partir d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques. La chaleur renouvelable est disponible en quantité inépuisable et 100% du temps, alors que l’électricité renouvelable n’est disponible qu’à hauteur de 20% pour le photovoltaïque et 30% pour l’éolien, en raison même de l’intermittence naturelle de ces 2 systèmes.
« La Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) a raison de vouloir encourager, via des labels, la diminution et la compensation des besoins d’usage de nature électrique. Cependant, la méthode qui consiste à globaliser les besoins en chaleur (chauffage et ECS) et les besoins électriques (6e usage dans le label E+C-) génère un déséquilibre de traitement notable avec des conséquences pour le moins importantes, irréversibles sur le court terme si des aménagements ne sont pas apportés. La nouvelle RT n’est plus une réglementation thermique car le 6e usage n’a rien à voir avec le comportement thermique du bâtiment. On mélange deux choses totalement différentes : le comportement aléatoire de l’usager et celui prévisible du bâtiment », ajoute Frédéric Pignard.
Quand le photovoltaïque interroge…
Le danger vient essentiellement de l’exigence de résultat global dans le niveau BEPOS (Bâtiment à Energie Positive) qui se transforme progressivement en exigence de moyens, le photovoltaïque permettant d’accéder facilement au niveau Energie 1/2/3 avec un minimum requis sur les équipements thermiques. Ceci n’encouragera pas la mise en place d’équipements très performants. « En l’état actuel des choses, le photovoltaïque devient la variable d’ajustement du label E+C- à moindre coût. Il est donc à craindre. Cela est d’autant plus préjudiciable que plus de 80% des panneaux photovoltaïques sont importés d’Asie, ce qui va encore plus peser sur notre balance commerciale déjà largement déficitaire. C’est toute la filière française des PAC et du solaire thermique qui est menacée », précise-t-il.
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Les règlementations thermiques successives ont permis de diviser environ par quatre le besoin énergétique du bâtiment neuf pour passer en 20 ans de 200 à 50 kwh/an m². Ceci a fait apparaître l’importance de la consommation énergétique propre à l’usage mobilier : cuisson électrique, lave-linge, sèche-linge, lave-vaisselle, informatique…). Cette consommation, issue du 6e usage, est estimée aujourd’hui à 75 kwh/an/m². Qui plus est, cette consommation ne cesse de croître depuis quatre décennies malgré les efforts rapides et constants des fabricants en matière d’efficacité énergétique des produits bruns (appareils audio et vidéo, tels que téléviseurs à écrans plats, lecteurs de DVD, lecteurs MP3 et caméscopes) et blancs (petit et gros électroménager tels que les réfrigérateurs, machines à laver, fours à micro-ondes, cafetières et fers à repasser) encadrés par la réglementation Eco design. On note même une accélération liée probablement à l’allègement de la facture énergétique des ménages liée à leur bien immobilier. Le consommateur raisonne en Euros et non en kwh, l’amélioration de son confort de vie à coût équivalent reste sa priorité.
Photovoltaïque et mix énergétique
« Pour compenser les besoins électriques locaux et favoriser l’autoconsommation de l’électricité produite, le photovoltaïque associé au stockage d’énergie est le seul système capable de répondre à cette équation complexe. Il permet en outre, dans le secteur résidentiel desservi par le réseau gaz qui a une exigence réglementaire de 10% en ENR, de pouvoir proposer des chaudières gaz haute performance. Même s’il est à craindre par certains aspects comme nous l’avons vu précédemment, le photovoltaïque pourrait donc présenter des avantages dans le cadre d’un mix énergétique équilibré. Cela passerait par des évolutions réglementaires. Afin de faire cohabiter équitablement les énergies renouvelables et la chaleur renouvelable dans les bâtiments, il est impératif de rendre obligatoire dans la future réglementation pour toutes les applications l’indicateur RER (Ration d’énergie renouvelable) pour évaluer la part d’énergies renouvelables et de recuperation. Il est indispensable également d’instaurer des exigences de chaleur renouvelable adaptées aux 3 types d’usage – résidentiel, collectif, bureaux – sur la base d’une étude d’impact ad hoc », conclut Frédéric Pignard.
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