Le 8 juin dernier, la mission Canfin-Grandjean-Mestrallet a rendu public le rapport intermédiaire sur le prix du carbone, remis au président de la République. Ce rapport affiche des objectifs clairs : « cette transition bas carbone implique une redirection massive des investissements dans les moyens de transport propres, la production d’énergies renouvelables, l’isolation des bâtiments et le développement de l’agroécologie, et ce dans un contexte budgétaire et financier très contraint » . Mais ce contexte est-il aussi contraint?
C’est la question à laquelle une étude du cabinet Alcimed, rapportée par la Tribune, tente de répondre. « Il n’est pas nécessaire d’accroître les dépenses dans l’efficacité énergétique des bâtiments pour atteindre les objectifs que l’Europe s’est fixé, mais il faut les ré-orienter en exploitant les nouvelles possibilités offertes par le Big Data. »
Six milliards investit par l’UE à mieux répartir
L’Union européenne investit collectivement près de €6 Mds chaque année pour trouver des sources d’économies d’énergies dans les bâtiments. Il semblerait que la France a vu, quant à elle, sa consommation augmenter de 6% en douze ans. Le parc immobilier peu ou pas isolé, chauffé au fioul ou avec des vieilles technologies de radiateurs électriques, consomme plus chaque année. Mais surtout pour des usages plus électriques comme les ordinateurs, que par une hausse de la température en hiver.
Les objectifs européens de 20% gagnés en efficacité énergétique et une baisse de consommation du même pourcentage ne seront pas atteints en 2020 selon les spécialistes. Mais l’étude propose de ré-orienter les investissements et non de les augmenter pour rejoindre cette ambition en 2025.
D’abord, les investissements globaux nécessaires semblent validés par les experts. Trois milliards pour les bâtiments industriels qui consomment 24% de l’énergie consommée; quinze milliards pour le tertiaire qui consomment 37% et soixante douze milliards pour les logements qui consomment 39%. Il semble évident que le poids de l’effort pour améliorer l’efficacité énergétique n’est pas le même selon le secteur concerné. Mais la consommation dans les logements serait plus diffuse et expliquerait cela…
Ce qui est plus intéressant se trouve dans un ratio calculé par l’Ademe qui affiche six milliards de budget pour identifier et vérifier les économies d’énergie. Alcimed les répartit globalement avec moins d’un milliard pour les études; plus d’un milliard pour le comptage et les garanties pour quatre milliards.
« Jusqu’à présent, on a surtout privilégié les opérations exemplaires sur quelques rares bâtiments, ce qui est tout à la fois coûteux, peu efficace à l’échelle d’un parc immobilier, et difficilement réplicable », déclare Vincent Bryant, fondateur de Deepki, une startup aidée par Engie positionnée sur ce créneau.
Des mesures et analyse de données disponibles remplacent les audits
Cette jeune entreprise, comme d’autres concurrentes d’ailleurs, est capable de récupérer des données de consommation d’énergies enregistrées par les compteurs d’eau, de gaz ou d’électricité et d’identifier des usages (machine à laver, liseuse, cuisinière, douche, tv…) ou par la pose de capteurs peu couteux. Ainsi, les coûts des audits fondent et les plus grosses sources d’économies sont identifiées. Dans le tertiaire, beaucoup de sites sont équipés de télérelevés.
L’étude révèle un exemple concret : « Pour effectuer un audit sur chacun de ses 1.000 magasins, Picard, l’un des premiers clients de la jeune entreprise, aurait dû y consacrer de 2 à 3 millions d’euros. Son contrat passé avec la jeune startup lui permet d’aboutir au même résultat pour un contrat inférieur à 100.000 euros. »
La disruption numérique avec son lot de capteurs peu onéreux permet de remonter des données et de les analyser rapidement. Les auditeurs ne sont plus nécessaires longtemps sur le terrain et les dizaines de milliers d’euros investis sont vite amorties après les travaux de rénovation. Maintenant, si les particuliers acceptent de placer des capteurs et de partager des informations plus privées, les résultats d’analyse seraient encore plus précis… C’est le cas dans des immeubles médicalisés où les patients ont tout intérêt à faire poser des monitoring sur leurs rythmes de vie pour lancer des alertes à l’équipe de thérapeutes.
Enfin, on peut aussi imaginer que le rapport Canfin-Grandjean-Mestrallet qui sera rendu en juillet au président de la République, préconise un amendement à la directive EU ETS pour introduire les prix plancher et plafond du carbone avec un « corridor de prix » qui n’a pas les caractéristiques d’une mesure fiscale. Le prix du carbone devrait être défini, selon le rapport préliminaire, en fonction de l’objectif de réductions d’émissions de l’UE dans le cadre de l’accord de Paris. Le prix de Carbone permettra de mieux financer les mesures d’efficacité énergétique, sans diminuer les budgets des Etats.
A suivre…