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Brice Lalonde : « Le seul qui puisse prendre la place de Hulot, c’est le Président de la République lui-même »

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La démission de Nicolas Hulot a créé un choc d’autant plus fort que tout le monde en espérait des miracles. Et sans doute la dimension imaginaire d’un programme incarné par une personnalité de rêve s’est fracassée sur la réalité et l’ingrat travail quotidien d’un ministre, fût-il ministre d’État. L’écologie c’est la guerre opiniâtre de l’air pour tous, de l’eau pour tous, de l’énergie pour tous, de la nature pour tous, ce n’est pas le vol gracieux de Peter Pan.

« L’écologie c’est la guerre opiniâtre (…) pas le vol gracieux de Peter Pan »

Disons-le tout net, son départ est une erreur au moment où les émissions de gaz à effet de serre n’ont jamais été aussi élevées, y compris en France pendant son année au gouvernement. On ne quitte pas le navire par mauvais temps. Sa décision va renforcer la tendance des écologistes à se lamenter. On entend déjà le chœur des pleureuses. Or la planète a besoin de personnalités comme lui, passionnantes et passionnées, portées par une immense ambition écologiste, capables d’inspirer l’action populaire, l’action des entreprises et des collectivités.

Nicolas Hulot est entré au gouvernement sans le soutien d’un parti. Dans notre système politique les élections sélectionnent les gouvernants. La portée des actions mises en œuvre dépend du poids des voix que l’on représente. La politique, hélas, n’est pas l’art d’avoir raison, mais celui d’être le plus fort. Lorsque l’on veut réformer, il est utile d’être soutenu par un parti qui jouera un rôle dans les prochaines élections. C’est peut-être ce qui a manqué à Nicolas Hulot. La République En Marche -LREM aurait dû l’appuyer. Peut-être ne l’avons pas nous-mêmes assez aidé, nous les soutiers de l’écologie, mais peut-être n’a-t-il pas lui-même su appeler à l’aide.

Être ministre de l’Environnement est une tâche enthousiasmante, mais ardue, parce que l’exigence de long terme et le souci de la nature heurtent de plein fouet les habitudes économiques et politiques. Il faut transformer cette exigence et ce souci en feuilles de route pour les semaines prochaines et pas seulement pour 2050. Et parce qu’on a peu de temps et de moyens il faut choisir ses priorités, pas plus de trois, l’actualité ou le Premier ministre se chargeant d’alourdir la barque. Évidemment que l’on se heurte à des intérêts. Mais c’est la règle du jeu, il faut se battre pour gagner ses arbitrages.

« Agir, pas gémir, telle doit être la maxime écologiste (…) et accorder la priorité à la protection du climat, donc sortir des combustibles fossiles, à commencer par le charbon et le pétrole »

Je n’approuve pas le cliché largement répandu selon lequel un ministre de l’Environnement ne peut rien faire. C’est absurde. Agir, pas gémir, telle doit être la maxime écologiste. Ecologiser tous les secteurs de la société, systématiquement. Mais d’abord accorder la priorité à la protection du climat, donc sortir des combustibles fossiles, à commencer par le charbon et le pétrole. Et comprendre que le défi est planétaire plus que national, qu’il faut lancer des initiatives à cette échelle avec le renfort de l’Union européenne. Car les responsables du changement climatique sont d’abord la Chine et les Etats-Unis, suivis des pays qui produisent leur électricité en brûlant du charbon ou qui déboisent les forêts tropicales.

Il faut bien un an à un ministre de l’Environnement pour faire le tour de ses pouvoirs, pour mettre en route ses programmes. Difficile d’achever des actions en si peu de temps. Nicolas Hulot était ministre de l’Energie, des Transports, de l’Environnement, énorme périmètre ! Il n’était pas ministre de l’agriculture. Il ne pouvait donc pas répondre à toutes les injonctions des associations de protection de la nature. Personnellement j’ai trouvé son bilan positif, y compris dans la sincérité courageuse avec laquelle il expliquait que les promesses démagogiques de ses prédécesseurs n’étaient pas tenables, ce que les commentateurs appellent des « renoncements ». C’était salutaire.

« Le seul qui puisse prendre la place de Hulot, c’est le Président de la République lui-même »

Il baisse les bras, embarrassé à la fois par l’énormité de la tâche et par chaque petite vague qui le noie, à la manière de l’albatros de Baudelaire dont les ailes trop grandes l’empêchent de marcher. Dommage, dommage… On ne peut pas remplacer Hulot, on peut lui succéder. Sans doute serait-il efficace d’avoir un ministre issu des rangs de la majorité. Au moins il sera soutenu. Mais au fond, le seul qui puisse prendre la place de Hulot, c’est le Président de la République lui-même. Il affirme qu’il veut rendre la planète great again. Excellent. C’est bien au niveau des chefs d’Etat qu’il faut prendre soin de la planète en dépassant les égoïsmes nationaux et en protégeant son ministre de l’Environnement.

Brice Lalonde, Président de l’association Équilibre des Énergies
Ancien conseiller spécial au Pacte mondial des Nations Unies pour le Développement Durable et Ancien ministre de l’environnement

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