Effet des vagues de chaleur estivales, bâtiments mal adaptés, nécessité de préserver les populations les plus fragiles : la climatisation des logements connaît un développement dynamique. Mais peu de données existaient jusqu’à présent sur sa nature et sur son ampleur. Une enquête récente d’EDF R&D permet de mieux appréhender le phénomène et d’en tirer des enseignements.
Pour mieux connaître l’usage de la climatisation résidentielle, EDF Recherche & Développement a réalisé en 2019 une enquête sur la base d’un questionnaire en ligne auprès d’un échantillon représentatif de la population française de plus de 4 000 ménages. Ces ménages ont été sélectionnés par Harris Interactive selon la méthode des quotas1.
22 % des ménages ont recours à la climatisation : un record
Selon la précédente enquête, réalisée en 2016, 14 % des ménages interrogés possédaient au moins un système de climatisation. Fin 2019, ce sont 22 % des ménages qui déclarent être équipés d’un ou plusieurs systèmes de refroidissement soit une progression d’environ 50 %. Un peu moins des deux tiers des unités principales2 sont des systèmes thermodynamiques fixes de type PAC air/air.
Ces chiffres sectoriels globaux sont à nuancer car des disparités existent en fonction de certains critères dont les plus significatifs sont le type de logement et la localisation géographique.
Le taux d’équipement en climatisation (figure 1) est sensiblement plus faible pour les logements collectifs (19 %) que pour les maisons (23 %).
L’analyse des résultats selon la zone climatique3 montre que le taux d’équipement varie d’un facteur cinq entre la zone H2a, la moins équipée, et les zones H3 et H2d qui comptent respectivement 45 % et 30 % des ménages déclarant posséder au moins une unité de climatisation. Ces résultats sont cohérents avec la logique climatique : H3 et H2d sont les zones dont les degrés-heures de climatisation sont les plus élevés.
Les climatiseurs mobiles représentent environ un tiers du parc et plus de trois millions d’unités
Selon l’enquête, si une large majorité des unités principales sont des systèmes thermodynamiques fixes de type PAC air/air ( figure 1), un tiers des ménages équipés optent pour des climatisations mobiles bien moins performantes. De plus, être équipé d’une climatisation fixe en principal n’empêche pas de posséder un appareil mobile. Ainsi, 8,5 % des ménages français disposent d’au moins un équipement de climatisation mobile.
En incluant le multi-équipement (un ménage a par exemple une climatisation mobile dans son séjour et une seconde dans une des chambres), nous estimons à plus de trois millions d’unités le parc d’appareils mobiles. Fait remarquable : les logements collectifs sont proportionnellement plus équipés en systèmes mobiles que les maisons individuelles, du fait de la conjonction d’au moins deux phénomènes : la difficulté d’intégration architecturale de la PAC air/air et une proportion plus grande de locataires en logements collectifs.
La climatisation mobile trouve surtout sa place au sein des logements chauffés avec des chaudières ou des radiateurs électriques
Les logements chauffés par des systèmes réversibles de type pompes à chaleur ont logiquement des taux de climatisation élevés. Ainsi, plus de 90 % des résidences principales chauffées par une PAC air/air sont climatisées.
Les systèmes de chauffage historiques (Joule, gaz…) affichent quant à eux des taux d’équipement en climatisation compris entre 15 % et 20 %. Mais ce sont en leur sein que l’on trouve, en proportion et en effectif, le plus de systèmes mobiles dont on sait qu’ils sont, et de loin, les moins efficaces (figure 2).
Un premier enseignement : il faut soutenir l’innovation dans le domaine des systèmes thermodynamiques fixes, en particulier en logements collectifs, pour proposer des solutions efficaces plus accessibles matériellement et économiquement, lorsque les solutions passives ne s’avèrent pas suffisantes.
Les climatisations peuvent concourir utilement au chauffage
L’enquête s’est intéressée à l’utilisation en mode chauffage des systèmes de climatisation, dès lors qu’ils sont réversibles, c’est-à-dire dans 75 % des cas pour la PAC air/air (figure 3). Environ un tiers des PAC air/air installées sont utilisées comme moyen de chauffage principal du logement. Dans les autres configurations, la PAC air/air est alors associée à d’autres systèmes et énergies de chauffage (radiateurs électriques, chaudière gaz…). Cependant leur utilisation en mode chauffage est loin d’être anecdotique : en hiver, entre 20 % et 35 % de ces logements utilisent quotidiennement leur PAC air/air réversible pour se chauffer et 25 % environ l’utilisent une à deux fois par semaine. Seuls 15 % des ménages de ces catégories n’utilisent jamais leur PAC air/air réversible en mode chauffage.
Le cas des climatisations mobiles est un peu à part puisque ces systèmes sont réversibles à 30 %. Cependant, dans les configurations où cela est possible, elles sont à 70 % utilisées en mode chaud mais plutôt suivant une logique d’appoint, avec des fréquences moindres.
Un enseignement important de l’étude est donc la contribution des systèmes de climatisation au chauffage des logements. Dans le cas des logements chauffés principalement par des énergies fossiles, ils font baisser la contribution carbone et la facture énergétique des ménages.
La PAC air/air est un équipement de chauffage très efficace (SCOP minimal de 3,8 pour le climat strasbourgeois mais les meilleures machines du marché atteignent des SCOP de 6). Il faut donc tirer profit du potentiel des PAC air/air de décarbonation et de réduction des factures énergétiques sur l’usage chauffage.
L’utilisation de la PAC air/air, comme moyen de chauffage principal ou secondaire, peut être promue par différentes mesures : campagnes de sensibilisation sur les gains énergétiques et financiers, mécanismes incitatifs (coup de pouce, intégration dans les crédits d’impôts, taux de TVA réduit (5,5 %) par souci de cohérence fiscale et écologique). Par ailleurs, des systèmes de gestion active permettant d’optimiser au mieux ces doubles systèmes (PAC air/air et système de chauffage initial) pourraient être développés et subventionnés.
La climatisation est très présente dans les logements récents
L’enquête permet d’analyser le lien entre l’âge du logement et la pénétration de la climatisation. Le taux d’équipement varie d’un facteur supérieur à deux entre les logements les plus anciens et ceux construits entre 2001 et 2005. Cette tranche d’âge constitue en effet un pic dans l’équipment en climatisation avec environ un tiers des logements équipés (figure 4).
Le taux élevé de climatisation dans les logements récents est frappant (20 à 25 % de logements ayant moins de 6 ans au moment de l’enquête sont climatisés). Ce phénomène n’est qu’en partie lié à l’utilisation de PAC air/air en tant que chauffage principal : environ 15 % des logements non chauffés par des PAC air/air sont équipés de climatisation. L’analyse des études thermiques déposées dans le cadre du permis de construire montre une présence très faible de la climatisation (de l’ordre de 1 %). Les logements neufs sont donc très rapidement jugés inconfortables lorsqu’il fait chaud. L’exigence fixée par la RT 2012 ne permet pas de garantir un bon niveau de confort d’été.
La future RE 2020 devra être suffisamment exigeante pour éviter ce phénomène et garantir la construction de logements neufs confortables et efficaces en toute saison. Le communiqué de presse gouvernemental du 14 janvier 2020 donne le confort d’été comme un des grands objectifs de la RE 2020. La traduction dans le moteur de calcul et dans les exigences reste à concrétiser.
Notons par exemple que le rafraîchissement par PAC réversible ne peut actuellement pas être pris compte dans le moteur de calcul. Cette option est pourtant faiblement consommatrice et assure un excellent confort aussi bien pour le froid que pour le chaud.
Au-delà du neuf, les outils informatifs et incitatifs utilisés pour les logements existants, notamment le DPE, doivent également permettre une juste estimation du confort d’été et inciter à mettre en place des mesures passives et de rafraîchissement, voire de la climatisation performante si nécessaire.
Des consommations moyennes de climatisation de 460 kWh/an (soit 70 euros environ) pour les systèmes fixes mais le double pour les appareils mobiles
Les données recueillies dans l’enquête permettent de calculer une estimation des consommations unitaires annuelles de climatisation par type d’équipement. Ces valeurs correspondent à la consommation de l’ensemble des équipements de climatisation possédés par les ménages regroupés derrière l’équipement déclaré comme étant le principal (à savoir le plus utilisé).
Ainsi, si les PAC quelle que soit leur nature affichent une consommation du même ordre de grandeur d’environ 460 kWh par an (figure 5), les climatisations mobiles totalisent pas loin du double… pour un service
rendu bien moindre (surface climatisée plus petite, durées d’utilisation inférieures).
Cet écart de consommation est principalement lié à la mauvaise efficacité énergétique des appareils mobiles. L’enquête montre qu’environ 60 % des appareils mobiles sont au minimum de classe A, ce qui est déjà sensiblement moins que le résultat obtenu pour les PAC air/air (~70 %). Mais surtout, l’étiquetage actuellement en vigueur repose sur des tests de performances différenciés : à classe identique, un système mobile sera bien moins efficace qu’un système fixe.
A l’échelle européenne, il paraît donc nécessaire de faire en sorte que l’étiquetage et les exigences minimales de performances soient alignés entre climatiseurs fixes et climatiseurs mobiles. En l’état, l’information communiquée aux ménages est trompeuse.
Conclusion et perspectives
L’ensemble des éléments apportés par l’enquête permet de mieux cerner l’usage climatisation dans les logements français.
Le taux d’équipement constaté sur le parc fin 2019 est de l’ordre de 22 %. La progression est dynamique par rapport à fin 2016, encouragée par les vagues de canicules successives. Elle répond manifestement à un besoin, compte tenu de la nécessité de s’adapter au changement climatique et de veiller au confort des populations les plus fragiles. Mais Il apparaît souhaitable d’encadrer cette évolution pour en limiter les impacts négatifs qu’elle pourrait avoir. Deux lignes d’action sont à privilégier :
- améliorer le confort d’été grâce à des solutions passives (protections solaires…) ;
- recourir, lorsque c’est nécessaire, à des solutions actives de rafraîchissement, voire de climatisation par PAC air/air performante. Ces appareils réversibles apportent également aux ménages une contribution positive en hiver en assurant tout ou partie du chauffage à moindre coût énergétique, financier et carbone. De plus, leur diffusion évitera la généralisation d’appareils mobiles peu performants.
Tout ceci suppose, dans la réglementation des logements, une approche systémique associant le confort thermique d’été à celui plus traditionnel de l’hiver.