Le projet « La Fabrique de la Renaissance » a été désigné lauréat de la 7e édition du concours Architecture bas carbone EDF 2015 sur le thème « Réinventer la ville». Lancée en partenariat avec Lille 3000 autour de la notion de « Renaissance », ce concours s’est avéré être un appel à idées bouillonnant autour de la ville bas carbone et nous projette dans le futur. Tour d’horizon.
Explorer les possibilités de la ville de demain, sobre en carbone, économe, respectueuse de ses habitants, telle est la vocation du concours Architecture bas carbone EDF. Labellisée COP 21, l’édition 2015 se fixait pour objectif d’appréhender, à l’échelle d’un quartier existant de Lille, les transformations durables nécessaires de la ville et de dessiner le paysage énergétique à l’échéance 2050 en tenant compte du réchauffement climatique et des contraintes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le projet lauréat, La Fabrique de la Renaissance, s’est concentré sur un quartier qui s’étend de la Place Maréchal Leclerc au Boulevard de la Lorraine le long du port fluvial de Lille. Il intègre les îlots Charles de Muyssaert et l’ICAM (Institut Catholique d’Arts et Métiers, une école d’ingénieurs).
Porté par 169-architecture, Obras et Elioth pour l’ingénierie, La Fabrique de la Renaissance propose une vision prospective précise et claire, véritable récit du monde et de la société en 2050. Elioth, entité d’Egis spécialisée en R&D et en maîtrise d’oeuvre d’innovation bas carbone, est une équipe pluridisciplinaire d’ingénieurs, d’architectes, de designers, de graphistes et de datascientists.
« Le projet pose les bases d’une troisième révolution industrielle entre 2015 et 2050 sous la forme d’un projet culturel et politique où tous les habitants participent à la transformation du bâti et des moyens de mobilité, avec l’énergie d’une frugalité joyeuse, selon les préceptes du Do It Yourself » explique Raphaël Ménard, président de 169-architecture et d’Elioth.
Recyclage et récupération des ressources
Dans le scénario imaginé par les lauréats, qui prend en compte l’épuisement des ressources, le transport fluvial et les éco-voitures électriques dominent et le recyclage et la récupération des ressources sont la norme. Le quartier transformé est autonome énergétiquement sur l’ensemble des besoins du bâti grâce notamment à la mise en oeuvre du Duc, une infrastructure logistique et énergétique low tech, cordon ombilical du quartier. Perpendiculaire à la Deûle (rivière dont l’essentiel du cours est canalisé), Le Duc est une sorte de tapis roulant aérien d’un kilomètre de long ayant pour but de récupérer et stocker l’énergie. Il sert au transport, à l’acheminement des matériaux et à la récupération de l’énergie solaire.
« Notre proposition s’appuie sur le concept de fabrique – réintégration de la production en ville au service de la ville – et l’idée d’un système urbain ouvert, adaptable sans cesse. Le scénario prospectif développe un principe de reconquête urbaine avec des idées innovantes et futuristes. Il s’agit d’un manifeste politique qui décrit la trajectoire des mutations entremêlées de l’énergie, de la matière et de la culture. C’est aussi un projet réaliste qui peut être mis en oeuvre dès demain. Un livre manifeste façon BD a été conçu avec l’illustratrice Diane Berg », précise-t-il.
Une usine au service de la réhabilitation énergétique
La singularité de ce concours de poser la question de l’énergie à l’échelle urbaine et de réfléchir au processus de fabrication a mené les lauréats vers le choix radical de faire revenir une usine, de l’industrie et de l’activité de fabrication au coeur de la cité, idée en phase avec l’héritage industriel de la ville de Lille. Les lauréats ne voulaient pas d’un programme qui saupoudre un peu de commerces, un peu de logements, un peu de bureaux en réduisant l’idée d’éco-quartier à la seule mixité programmatique. « Recréer une usine et des ateliers a très vite fait sens avec l’idée qu’elle soit au service de la transformation du quartier alentour, qu’elle participe à la réhabilitation énergétique, au reconditionnement des bâtiments résidentiels, en tenant compte du vieillissement de la population à l’horizon 2050 », poursuit Raphaël Ménard.
La situation géographique du site et la proximité de deux éléments importants ont rendu possible l’idée de cette usine du 3e millénaire. D’une part, la Deûle qui est un canal très important du réseau hydrographique de la métropole lilloise. D’autre part, le port de Lille qui est une plate-forme logistique. Nul besoin de faire venir des camions pour apporter les matériaux nécessaires au processus industriel et pour sortir les flux d’usines. Autre atout : la présence de nombreux hangars. Le site est par ailleurs mitoyen de l’ICAM, une école d’ingénieurs, et d’un grand collège. Cela crée un rapport au savoir et permet un lien direct entre l’école et les ateliers d’apprentissage, la R&D. Tout était donc réuni pour fabriquer un écosystème cohérent sur ce site.
Le lien social et vivre ensemble
Autre aspect essentiel de la proposition : créer un lien social très fort entre les habitants qui pourront se retrouver dans ce quartier d’ateliers et d’usines, véritable espace public requalifié pour bricoler ensemble le week-end par exemple. Tout le monde participe à la vie du quartier pour renforcer le vivre ensemble. Élément phare du projet, La Ruche-à-Trucs va dans ce sens. Issue de la transformation de la Tour EDF, elle est un lieu de stockage de matières et matériaux pour alimenter ateliers associatifs et autres fablabs. La mixité du projet propose un mélange d’entreprises et d’ateliers à disposition d’associations collaboratives et d’habitants. Avec l’idée que le travail redevient une partie de la vie quotidienne et de l’urbanité. Bien souvent, la ville d’aujourd’hui est hédoniste, ludique, familiale et le travail est ailleurs, à part. Replacer la question du travail dans l’espace public, dans le quotidien, c’est lui réinsuffler une dimension sociale et culturelle.
« Ce qu’on a proposé est futuriste mais envisageable dès demain. Dans ce projet, les deux éléments principaux – Le Duc et La Rûche-à-Trucs – ne sont pas très compliqués à réaliser. Le Duc répond à une problématique importante qui est celle d’augmenter l’autonomie énergétique. Il est compréhensible pour l’habitant qui peut dupliquer le système dans sa propre maison pour récupérer l’énergie solaire. Notre message essentiel est le suivant : concentrons-nous pour que la transition énergétique survienne ! Les énergies renouvelables n’ont jamais été aussi compétitives. Il faut continuer à être plus que scrupuleux pour que la transition énergétique se fasse, mais l’énergie n’est pas tant un problème fondamental que ça parce qu’on est dans un système ouvert du point de vue thermodynamique : on continuera, tant que le soleil vivra, à disposer de cette énergie renouvelable », conclut Raphaël Ménard
Article de Laurent Jacotey