Les énergies renouvelables se développent-elles suffisamment en France pour répondre aux enjeux de la transition énergétique et écologique ? Jean-Louis Bal, Président du Syndicat des Energies Renouvelables (SER), répond à nos questions.
Le déploiement des énergies renouvelables en France est-il à ce jour en phase avec les objectifs fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) et la stratégie nationale bas-carbone ?
Le déploiement des énergies renouvelables n’est pas encore en phase avec les objectifs que vous citez pour des raisons antérieures à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV). Mais la situation s’améliore. La LTECV apporte des moyens et des outils, comme la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), pour résorber le retard de la France en matière d’énergies renouvelables et afin de se mettre en ligne avec l’objectif de 2030, à savoir atteindre 32 % d’EnR et donc les doubler dans les 13 ans à venir. La PPE a permis de construire des stratégies de développement des EnR filière par filière en programmant sur 3 ans des appels d’offres dans les domaines notamment des EnR électriques, de la chaleur renouvelable ou encore des EnR dans le bâtiment. Ce programme d’appel d’offres et le renforcement attendu du Fonds Chaleur permettront d’accélérer considérablement le mouvement.
Le Plan Climat présenté le 6 juillet par Nicolas Hulot est-il suffisant et va-t-il dans le bon sens en matière d’énergies renouvelables ?
Le Plan Climat de Nicolas Hulot va dans le bon sens. La grande nouveauté consiste à afficher haut et fort l’objectif de décarboner l’énergie en 2050. Il va plus loin que ses prédécesseurs. Cette position donne un nouvel élan au développement des EnR qui deviennent plus incontournables que jamais. A ce titre, la révision annoncée de la PPE en 2018 donnera lieu à une nouvelle programmation d’appel d’offres visant à privilégier les EnR conformément aux objectifs du Président de la République, Emmanuel Macron, et du gouvernement.
La décision d’étudier l’augmentation de moyens du Fonds Chaleur est un autre point intéressant du Plan Climat, même si cette déclaration peut sembler plus frileuse que la promesse d’Emmanuel Macron du doublement du Fonds Chaleur lors de la campagne présidentielle. S’agit-il d’un objectif revu à la baisse ? Il faut attendre la loi de finances de fin d’année pour le savoir. Ce qui est certain, c’est que la production de chaleur d’origine renouvelable constitue un vecteur essentiel pour l’atteinte des engagements climatiques et énergétiques de notre pays.
Globalement, le Plan Climat est ambitieux et va dans la bonne direction, mais nous en sommes au stade des annonces et des grandes orientations. Attendons les mesures concrètes et les moyens mis en œuvre pour déployer ce plan.
Quelles énergies renouvelables vous semblent à ce jour les plus adaptées et les plus opérationnelles ?
Le solaire photovoltaïque et l’éolien terrestre sont incontestablement les EnR les plus mûres, les plus compétitives et les plus abondantes pour produire de l’électricité. Nous disposons encore d’hydroélectricité – énergie électrique renouvelable issue de la conversion de l’énergie hydraulique en électricité – qu’il faut maintenir et encore développer car elle a, notamment, la vertu d’équilibrer le système électrique par sa capacité à stocker l’énergie sous forme de réservoir hydraulique.
Les énergies marines renouvelables peuvent aussi représenter une contribution importante à l’édifice de la transition énergétique, mais elles n’ont pas encore atteint leur phase de maturité.
Du côté de la chaleur renouvelable, le plus gros potentiel concerne la biomasse et plus spécifiquement le bois énergie à destination des réseaux de chaleur, des chaufferies pour l’habitat collectif, des process industriels pour ne citer qu’eux.
Trop souvent ignorée, la géothermie, exploitation de la chaleur stockée dans le sous-sol pour produire de la chaleur et de l’électricité, constitue un potentiel considérable de chaleur renouvelable. Elle est présente à différents niveaux sur tout le territoire, c’est pourquoi nous sensibilisons les collectivités sur les opportunités qu’elle offre. Les pouvoirs publics doivent d’ailleurs informer et faire preuve de pédagogie sur cette source d’énergie sous-exploitée.
Enfin, je souhaite évoquer le gaz avec l’objectif d’injecter du gaz renouvelable dans le réseau de gaz, à hauteur de 10 % en 2030 et 8 TWh (Tera watt heure) en 2023 dans le cadre de la PPE. A ce jour, le gaz issu de la méthanisation est le gaz renouvelable qui affiche le plus gros potentiel et des objectifs atteignables. La méthanisation est une technique de gestion des déchets organiques ou fermentescibles qui permet un double bénéfice de valorisation agronomique et énergétique. Parmi ces déchets, nous pouvons citer les déchets ménagers, agricoles, agro-alimentaires, les effluents d’élevages, les déchets issus des bornes de stations d’épuration… ces exemples aident à comprendre son potentiel.
Dans l’avenir, il y aura d’autres sources d’énergie à développer comme le biométhane de seconde génération ou l’hydrogène issus du principe du « Power to gas » qui repose sur le stockage de la surproduction des énergies renouvelables grâce à leur transformation en hydrogène ou en méthane de synthèse. Les réseaux existants de gaz naturel peuvent accueillir l’hydrogène ou le méthane ainsi produit.
La gazéification de la biomasse solide, comme les déchets de bois, est une voie qui présente également du potentiel.
Enfin, les biocarburants, dits de 1ère génération, qui représentent aujourd’hui 7 % de la consommation dans le secteur des transports, doivent absolument être préservés et seront la base du développement à venir des nouvelles générations de biocarburants qui n’ont pas encore atteint leur maturité économique et industrielle.
Quel est l’avenir de l’électricité selon vous et quelle place doit-elle occuper dans le développement des énergies renouvelables ?
Pour nous, l’électricité est l’énergie la plus facile à décarboner. Plus on ira vers l’électricité issue des EnR, plus on décarbonera l’économie et la société. Pour décarboner le transport, la voie du véhicule électrique est et sera essentielle tant pour les particuliers que pour les transports en commun. Dans le secteur de l’habitat, l’électricité issue du renouvelable a et aura une place grandissante, par exemple, le développement des pompes à chaleur.
La position du G20 à l’égard des Etats-Unis n’est-elle pas ambigüe ? Donald Trump n’obtient-il pas le blanc-seing du G20 pour suivre une politique divergente et en marge de l’Accord de Paris ?
Je ne vais pas m’étendre sur cette question spécifique au G20 qui sort de mes prérogatives. Cependant, malgré la décision de retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris initiée par Donald Trump, les réactions dans le pays sont positives et témoignent d’une forte mobilisation des entreprises et du monde économique dans son ensemble, des Etats, des collectivités et de l’opinion publique en faveur de la transition énergétique. Au final, nous constatons que les Etats-Unis s’inscrivent et s’inscriront dans cette dynamique mondiale. C’est cela le plus important et le plus rassurant, la preuve que la prise de conscience environnementale est largement partagée.
La Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), c’est quoi ?
La PPE fixe les priorités d’actions des pouvoirs publics dans le domaine de l’énergie afin d’atteindre les objectifs de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV). Avec la PPE, l’ensemble des piliers de la politique énergétique (maîtrise de la demande d’énergie, énergies renouvelables, sécurité d’approvisionnement, réseaux…) et l’ensemble des énergies sont traités au sein d’une même stratégie afin de privilégier une vision transversale de l’énergie plus efficace pour atteindre les objectifs énergétiques et environnementaux des décennies à venir. Au-delà d’orientations stratégiques, la PPE a aussi pour rôle de fixer les objectifs quantitatifs pour le développement de toutes les filières d’énergies renouvelables, ce développement étant soutenu par l’Etat. Cela s’effectue notamment par le biais d’une programmation d’appels d’offres dans les différentes filières d’EnR pour les développer de manière équilibrée, cohérente et réaliste en termes de faisabilité technique et de coût.
Pour résumer, la transition énergétique s’articule autour de trois grands axes interdépendants dont la PPE est un pilier.
– Le cadre juridique et ses objectifs, à savoir la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) et la stratégie nationale bas-carbone.
– Un schéma directeur établissant les priorités d’action, la PPE, révisable à intervalles réguliers pour s’adapter à un environnement en évolution et donner de la lisibilité à l’ensemble des citoyens et des acteurs économiques.
– Des plans et des stratégies déclinant ces priorités de manière opérationnelle, comme la stratégie de développement de la mobilité propre, la stratégie nationale de la mobilisation de la biomasse, le plan de programmation de l’emploi et des compétences…