Gilles Bellec, référent Energie au CGEIET*, a partagé sa vision de la transition énergétique en France et en Europe. La durée est un des éléments essentiels de cet enjeu, mais M. Bellec recherche de la cohérence en fonction des objectifs poursuivis!
Derrière la notion parfois floue de transition énergétique, Gilles Bellec voit une façon “d’exploiter de façon raisonnée toutes les ressources naturelles pour assurer des services à une population plus nombreuse, plus mobile et plus nourrie.” C’est, selon lui, le processus de transformation de la nature en limitant l’empreinte écologique de l’Homme grâce à sa maîtrise technique.
La transition énergétique: facteur espace et temps
Cette évolution concerne un espace donné: la planète. En revanche, pour le facteur temps, rien est défini. En effet, une période de transition est une succession d’instants T, sans début ni fin. Pour ce qui est de la transition énergétique, la question du temps est centrale d’après Gilles Bellec.
Depuis le dernier siècle, la population de la Terre a quadruplé. Chaque individu aujourd’hui consomme en moyenne 4 fois plus que nos ascendants de 1900. La pression sur les ressources naturelles mondiales inquiète les agences internationales telles que la FAO** et la AIE (Agence Internationale de l’Energie). L’augmentation du niveau de vie des populations issues d’Asie, du Moyen-Orient, de Russie ou d’Amérique Latine a été plus rapide que les progrès techniques en matière d’activité industrielle et agricole.
Réglementations et normes au service de la protection de la biodiversité***
Le marché de l’offre et la demande incite à rechercher dès maintenant des énergies nouvellement exploitables et plus durables que celles d’aujourd’hui. Pour Gilles Bellec, la hausse du prix de l’énergie issue du nucléaire ou du charbon est un mauvais outil de régulation mondiale. Seule la règlementation peut conduire à une “gestion raisonnée, efficace et durable des ressources.” En effet, le référent énergie du CGEIET* croit en la norme internationale.
Certaines protègent des espèces animales, d’autres réglementations internationales feraient bien de définir selon G. Bellec ce qui doit être protégé (végétaux, animaux, minéraux,…) et faire appliquer ces choix par la contrainte (ex: limitation d’émission de Co², sanctions en cas d’efficacité énergétique moindre). Il poursuit son raisonnement par la mise en place d’une série de normes techniques telle que l’utilisation plus efficace de l’énergie. Celle-ci protègerait le monde d’une exploitation trop rapide des ressources et permettrait de maîtriser un peu plus le facteur temps.
Enjeux de l’énergie en France et en Europe
Reste que les avancées techniques et l’interconnexion des différents marchés de l’énergie – rendueq possible par les progrès techniques en matière de réseaux et communications – ont permis d’abolir quelque peu la notion de distance. Il n’en reste pas moins que la dépendance de certains territoires quant à la production d’énergie vis-à-vis d’autres territoires laisse penser qu’il faut réfléchir à la production d’énergies nouvelles pour rétablir l’équilibre. En effet, G.Bellec rappelle que l’Europe importe 50% d’énergies fossiles, la France particulièrement dépendante de ces importations (75%) base son calcul sur la valeur de l’Euro pour pouvoir acheter de l’énergie. Malgré la montée de l’éolien et du photovoltaïque, la France ne pourra certainement pas combler la totalité de ses besoins en énergie et aura recours tout de même à l’importation dans les années à venir.
L’Europe a fixé des objectifs ambitieux pour 2020 avec la nouvelle réglementation thermique. Les normes d’émission de CO² doivent être réduites pour que le climat soit moins impacté que durant les dernières décennies. Parmi les directives, l’Europe a confirmé sa position exemplaire et dynamique en réalisant, poussée par l’Allemagne, à elle seule en 2012, 50% des investissements mondiaux en EnR, alors qu’elle pèse seulement que pour 12% des émissions mondiales de CO². L’UE aurait donc perdu en compétitivité à partir de ces choix vis-à vis des Etats-Unis qui ont opté pour la baisse du coût de l’énergie pour le consommateur final (méthode inversée). L’Europe semble avoir oublié le facteur temps, par conséquent les délais et difficultés techniques à construire des réseaux entre Allemagne, Italie, France, Espagne, etc…
Pour mesurer l’impact global d’un choix en matière de transition énergétique, il faut mener des analyses poussées dès aujourd’hui sur les substitutions possibles aux modes de production d’énergies actuels. Même si les objectifs semblent louables et ont pour but de relancer l’industrie et de générer des emplois, il est nécessaire d’analyser les technologies porteuses avec soin. G. Bellec dessine à travers ses réponses le fait de prendre le temps qui s’impose pour “mobiliser toutes les technologies pour une transition réussie“. La production électrique garantie provient du nucléaire en France et du charbon en Allemagne. Tant que l’on aura pas avancer pour stocker l’énergie produite par l’éolien, le photovoltaïque, l’hydraulique, la production ne sera pas assurée stable.
En France, la solution avancée pour accélérer la transition énergétique serait de renouveler les installations productrices d’énergies pour être plus modernes et plus compétitives que les anciennes. Cette action permettrait également de reprendre les exportations et d’assurer à long terme un équilibre plus solide en matière d’approvisionnement en énergie.
Le référent énergie met en évidence le fait que le nucléaire contribue autant à la protection de la biodiversité, qu’à la politique climatique en limitant la taxation des ménages, malgré ses inconvénients. Les sénateurs français ont voté une résolution cette semaine qui va dans ce sens, d’ailleurs. Pour conclure, il évoque le fait d’aborder une transition plus douce en gardant une partie de l’énergie produite par le nucléaire tout en développant la filière EnR, au fur et à mesure que les besoins apparaissent et en suivant à notre rythme la dynamique allemande.
*CGEIET: Conseil Général de l’Economie, de l’Industrie, de l’Energie et des Technologies
**FAO: Food and Agriculture Organization, soit « Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture ». (Source Wikipédia)
Biodiversité: diversité naturelle des organismes vivants. Elle s’apprécie en considérant la diversité des écosystèmes, des espèces, et des gènes dans l’espace et dans le temps, ainsi que les interactions au sein de ces niveaux d’organisation et entre eux.