Le lancement du label énergie-carbone en septembre dernier s’inscrit dans la dynamique insufflée par la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV). Malgré la bonne volonté affichée par les pouvoirs publics en matière de réduction des émissions de CO2 et une concertation de plusieurs mois avec les acteurs de la filière énergétique et environnementale, ce dispositif suscite des interrogations et des inquiétudes notamment en matière de construction.
Présenté début septembre par les Ministères de l’Ecologie et du Logement, le label énergie-carbone impacte l’ensemble des filières de l’énergie, de la construction. Côté construction, il vise à labelliser les bâtiments à énergie positive et bas carbone. Petits rappels, un bâtiment à énergie positive produit plus d’énergie qu’il n’en consomme, avec nécessairement l’utilisation des énergies renouvelables, en premier lieu le solaire photovoltaïque. Un bâtiment bas carbone est un bâtiment à faible impact environnemental et carbone sur l’ensemble de son cycle de vie, c’est-à-dire de sa construction à son recyclage. Généralisés en 2020, ces bâtiments bénéficieront notamment d’un bonus de 30 % de surface constructible et habitable par les collectivités.
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Une concertation de façade ?
Le bilan énergétique de bâtiments à énergie positive, via le label énergie-carbone, prendra en compte l’utilisation de l’ensemble des appareils électroniques et des appareils électroménagers en complément des cinq usages réglementés par la RT 2012 : le chauffage, la climatisation, l’eau chaude, l’éclairage et les auxiliaires. Le référentiel du label énergie-carbone se veut être le fruit d’une concertation avec les acteurs de la filière énergétique et environnementale. Equilibre des Energies (EdEn) et plusieurs de ses membres y ont bien entendu participé. Cependant, de nombreuses modifications demandées lors de cette concertation n’ont pas été prises en considération. A l’arrivée, le label s’avère parfois en contradiction avec les objectifs de la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV) et donc avec les objectifs de la France en matière de Iutte contre le réchauffement climatique. Une situation d’autant plus alarmante que l’expérimentation du label énergie bas-carbone a vocation à anticiper la future règlementation environnementale prévue pour 2018 en validant les meilleures pratiques sur des bâtiments pilotes.
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Le gaz privilégié ?
« Les ministères et leurs administrations continuent de privilégier l’importation et la consommation du gaz, malgré les obligations légales de décarbonation des usages en France. La baisse des consommations d’énergie ne suffira pas à atteindre les objectifs de la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte en 2050 », explique Jean Bergougnoux, Président du Comité scientifique d’EdEn. Les textes réglementaires manqueraient donc globalement de mesures contraignantes pour réduire les émissions de CO2 dans les bâtiments neufs ou rénovés. Le référentiel du label énergie-carbone illustre et confirme ces lacunes ; il n’enraye d’ailleurs pas, et c’est dommage, les failles du mode de calcul du Diagnostic de performance énergétique (DPE), émanation de la Réglementation Thermique 2012. Le DPE avait fait débat lors de sa création. C’est un élément déterminant dans le prix d’un logement et influent puisqu’il est relayé dans les vitrines des agences immobilières. Il s’appuie sur une grille d’évaluation en 7 catégories (de A, la meilleure, à G, la plus basse). Le calcul du DPE s’effectue en énergie primaire. Cela a comme conséquence, compte tenu du coefficient de 2,58 impactant en France le kWh électrique, qu’un bâtiment consommant des combustibles fossiles peut être plus économe en énergie primaire – et donc mieux classé – tout en générant des consommations plus élevées en énergie finale et beaucoup plus d’émissions de CO2 que la solution électrique.
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DPE : un système souvent incohérent
Pour Chantal Degand, chef de département à la Direction stratégique fournitures et services énergétiques et porte-parole d’EDF sur les questions énergétiques et environnementales, « les critères du label énergie-carbone ne sont pas adaptés. Ils ne corrigent notamment pas les écueils créés par l’affichage du DPE sur la base des énergies primaires. Le critère énergie du nouveau label renvoie toujours à l’énergie primaire, c’est un mauvais signal. De plus, le critère carbone n’est pas contraignant. Or, il pourrait et devrait l’être afin de répondre aux objectifs de la stratégie nationale bas-carbone. Plusieurs mécanismes définis sur des critères de consommation en énergie primaire perdurent donc et conduisent à des objectifs contre-productifs pour la collectivité. Cette situation conduit certains décideurs à opter pour des solutions de chauffage à énergies fossiles plutôt que pour des solutions électriques. Rénover un parc de logements électriques en conservant l’électricité conduit à investir deux fois moins, faire baisser la facture énergétique pour les habitants et économiser trois fois plus de CO2 qu’en effectuant une substitution électricité vers gaz. Pourtant, le choix du gaz fait gagner deux classes énergétiques dans DPE, il est donc favorisé par les mécanismes réglementaires. C’est dire toute l’absurdité du système qui semble malheureusement vouloir perdurer avec le label énergie-carbone. »
Initialement, les intentions du label énergie-carbone et les ambitions de Stratégie nationale bas-carbone semblaient vouloir remédier à cette incohérence. A ce jour, le référentiel et certains seuils du label s’obstinent et la problématique reste inchangée. La proposition d’EdEn de retenir deux critères complémentaires et distincts – les émissions en exploitation et les émissions à la construction – pour arriver à une évaluation plus objective est restée lettre morte. Chantal Degand va également dans ce sens : « Un signal ou critère CO2 explicite dans les différents dispositifs réglementaires et incitatifs permettrait d’assurer une cohérence d’ensemble en allouant les fonds publics, notamment pour le logement social, à des opérations réellement vertueuses d’un point de vue environnemental. »
85% de la production électrique française est décarbonée !
Il ne s’agit pas de privilégier coûte que coûte telle ou telle énergie et de mettre en péril telle ou telle filière. L’énergie électrique issue des énergies renouvelables dispose d’atouts indéniables. La piste de l’industrie gazière de remplacer progressivement le gaz fossile par du biogaz provenant de la méthanisation est une piste prometteuse pour les prochaines années mais il reste du chemin avant qu’elle soit largement déployée.
Il est reconnu qu’un logement chauffé à l’électricité consomme, en énergie finale, moins de la moitié d’un logement chauffé au gaz et émet environ le quart d’émissions en CO2. Le développement de l’électricité est le vecteur le plus facile à mettre en œuvre pour réussir la transition vers les énergies non carbonées, avec 85% de la production française qui est déjà décarbonée ! Dans une étude d’avril 2015 de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), il est clairement expliqué qu’il sera complètement possible de produire la totalité de l’électricité du pays à base d’énergies renouvelables à l’horizon 2050. L’étude estime que le potentiel de production électrique des énergies renouvelables, toutes filières confondues, peut atteindre trois fois la demande annuelle d’électricité en 2050. Le potentiel est donc plus important que la production requise.
Alors d’où viennent ces résistances sur l’électricité issue des énergies renouvelables ? Les idées reçues sur l’électricité et l’amalgame avec le nucléaire auraient-il la dent dure au point de mettre en péril les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone consistant à réduire de 50 % les émissions directes de gaz à effet de serre dans le secteur du bâtiment d’ici 2030 et de 87 % à l’horizon 2050 ? Comment peut-y avoir une telle discordance entre la volonté politique et la mise en œuvre au sein des administrations ? Avance-t-on dans un esprit juste et objectif afin d’aboutir à un mix-énergétique permettant de relever les défis environnementaux de la COP 21, de la Loi Transition Energétique pour la Croissance Verte et de la Stratégie nationale bas-carbone ?
Verbatim Jean-Jacques Barreau, LCA-FFB
« Quels mix énergétiques pour demain ? »
Le regard de Jean-Jacques Barreau sur les évolutions réglementaires actuelles et à venir, en qualité de consultant et délégué technique de la LCA-FFB (Les Constructeurs et Aménageurs de la Fédération Française du Bâtiment). Cette nouvelle Union rassemble l’ensemble des acteurs de la construction immobilière : constructeurs de maisons, promoteurs immobiliers et aménageurs-lotisseurs.
« Nous sortons d’une réglementation thermique difficile dans sa mise en place tant d’un point de vue technique qu’énergétique. LCA-FFB a contribué activement dans les groupes de travail à l’élaboration de la future réglementation. A souligner que pour la première fois, LCA-FFB, avec les autres maîtres d’ouvrages, ont obtenu la mise en place d’une expérimentation pour mesurer la faisabilité des futurs seuils de cette réglementation. Nous arrivons à la fin d’une époque et nous ouvrons avec tâtonnement une nouvelle page d’histoire en matière énergétique : le bas carbone. Cette expérimentation de trois ans démarre autour notamment du label bas-carbone et du référentiel d’évaluation de la performance énergétique des bâtiments neufs afin de définir une nouvelle réglementation environnementale visant à des bâtiments raisonnables en termes de coûts de construction, performants et faibles émetteurs de C02, solides et durables. La question cruciale est celle de l’équilibre construction-consommation. Le gaz a des atouts à la construction. L’électricité est intéressante sur les consommations et ne dégage pas de carbone. La France doit être un exemple environnemental mais elle ne pourra pas sauver la planète. Quels mix énergétiques pour demain ? Nous devons avancer ensemble dans cette phase d’expérimentation et de transition, avec les professionnels concernés mais aussi avec les pouvoirs publics pour trouver les meilleures solutions possibles. Nous avons signé en novembre dernier une charte avec le Ministère du Logement et de l’habitat durable. Il s’agit de décisions sensibles, les enjeux économiques et d’emploi sont énormes dans les filières énergétiques et de la construction. »
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