A l’approche de la fin du mandat de la Commission Juncker, la course pour devenir le nouveau Président de la Commission Européenne est ouverte, et elle est intense. En tête d’affiche, deux candidats : Manfred Weber, représentant du PPE (le groupe de centre droit européen, majoritaire au Parlement) et Frans Timmermans du groupe socialiste PSE. Derrière eux, les représentants des 3e et 4e groupes du Parlement : respectivement Jan Zahradil pour les conservateurs du ECR et Margrethe Vestager, actuelle Commissaire à la Concurrence, pour les libéraux de l’ALDE. Et si on aurait pu penser que la course allait se jouer strictement entre ces quatre candidats, il s’avère qu’un cinquième nom s’est intégré au processus : celui du Français Michel Barnier qui est l’actuel Négociateur en chef du Brexit pour l’UE.
Michel Barnier comme voix de l’urgence climatique
Ce dernier prétendant au poste est particulièrement intéressant : alors que les candidats se positionnent actuellement sur les sujets qu’ils souhaitent mettre au coeur de l’Europe s’ils venaient à être élus, les migrations pour Manfred Weber ou les questions sociales pour Frans Timmermans, c’est sur la question de l’urgence climatique que Michel Barnier a choisi de faire porter sa voix. Dans une tribune parue dans le journal en ligne Project Syndicate, Michel Barnier expose ainsi ses priorités pour l’Europe :
- Atteindre la neutralité carbone en Europe d’ici 2050 afin de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C ;
- Appliquer des limites strictes d’émissions de CO2 aux voitures, aux transports publics ainsi qu’aux transports commerciaux maritimes et aériens ;
- Collaborer avec l’industrie automobile européenne afin de faire de l’Europe le premier continent du véhicule électrique d’ici 2030 ;
- Débloquer des investissements massifs pour le secteur de la mobilité, des bâtiments économes en énergie, des énergies renouvelables et des nouvelles technologies comme les batteries à hydrogène.
Un Président de la Commission Européenne sensible aux questions climatiques et conscient du rôle essentiel de l’industrie et de l’innovation européennes dans le travail vers la neutralité carbone serait un atout précieux pour les acteurs de l’efficacité énergétique et de la réduction des émissions carbones. Il agirait en effet comme un moteur capable d’entraîner des choix ambitieux et des mises en oeuvres complètes des projets climatiques européens. De plus, un Président de la Commission Européenne Français faciliterait un contact naturel entre nos industrie et l’exécutif européen. Mais quelles sont les chances réelles de Michel Barnier dans cette course?
Une carte à jouer pour Michel Barnier
Comme toujours avec l’Union Européenne, le processus de nomination du Président de la Commission n’est pas simple et surtout, il n’est pas gravée dans le marbre. En théorie, depuis le traité de Lisbonne, le président de la Commission Européenne est élu par le Parlement européen, sur proposition des Chefs d’Etats qui désignent leur candidat à la majorité qualifiée « en tenant compte du résultat aux élections au Parlement européen« . Cette dernière formule étant pour le moins floue, un glissement s’est opéré lors de la nomination de 2014 qui a amené le système du “Spitzenkandidat”. Dans ce système, les différents groupes du Parlement Européen désignent leur champion et le groupe arrivant en tête des élections européennes voit son champion nommé au poste de Président de la Commission. Ce système, s’il était suivi cette année amènerait très probablement Manfred Weber ou Frans Timmermans à la tête de la Commission, ne laissant aucune chance à Michel Barnier qui n’est le champion d’aucun groupe.
Mais le système du Spitzenkandidat est vivement contesté. Non seulement il relève d’une interprétation abusive des textes législatifs mais en plus, avec l’épée de Damoclès du Brexit, la nomination d’un Président en fonction d’une composition du Parlement susceptible d’être bouleversée à tout moment – du fait du départ possible des députés britanniques – perd tout son sens. Dans cette configuration où les chefs d’Etats pourraient reprendre leur prise sur le processus de nomination, Michel Barnier qui bénéficie du soutien de la majorité présidentielle, et de sa liste déjà très courtisée au Parlement Européen, a clairement une carte à jouer. Encore une raison pour la France et pour les acteurs de l’énergie et du climat de ne pas perdre Bruxelles de vue dans les mois à venir.