Mise en place au 1er janvier 2021, MaPrimeRénov’ (MPR) a connu au 1er janvier 2024 une réforme importante. Cette réforme n’aura tenu que quelques mois, avant que le Gouvernement ne mette en place diverses dérogations valables jusqu’au 31 décembre 2024. Au 1er janvier 2025, il faut repartir sur des bases solides.
La réforme portait une ambition forte : massifier la rénovation d’ampleur tout en accélérant le remplacement des chaudières fossiles. Or, au premier trimestre, la rénovation monogeste, majoritairement la modernisation des systèmes de chauffage, s’est effondrée : 72 459 dossiers contre 130 063 en 2023 ; tandis que la rénovation d’ampleur, dont l’objectif était initialement de soutenir 200 000 opérations en 2024, n’a pas trouvé son public avec seulement 5 584 rénovations engagées. Si des éléments externes expliquent cette contre-performance (pouvoir d’achat, disponibilité des artisans RGE et des accompagnateurs Rénov’), la mauvaise calibration du dispositif a vraisemblablement joué un rôle majeur.
Il est probable que les mesures d’adaptation mises en place à compter du 1er juillet 2024 par le décret du 29 mars 20241 vont permettre une certaine relance de l’activité mais, le Gouvernement ayant annoncé son intention de revenir aux dispositions prévalant au 1er janvier 2024, il convient d’en approfondir l’analyse.
Forces et faiblesses des rénovations d’ampleur
Une rénovation qui associe plusieurs gestes est, sur le papier, l’option la plus séduisante pour réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre et les consommations d’énergie, tout en encadrant les coûts grâce à la coordination des différents corps de métier.
Dans cette perspective, les pouvoirs publics ont promu ces rénovations dont l’objectif était d’atteindre la classe B du DPE en une étape, avec une dérogation pour les passoires thermiques tenues de viser seulement la classe C. Toutefois, atteindre de tels objectifs a un coût : 60 000 euros en moyenne, pour une maison individuelle, selon le dernier rapport de l’Anah, avec un reste à charge variable selon les revenus du ménage. Les ménages qui peuvent engager de telles dépenses doivent être encouragés et soutenus. Mais un tel investissement est hors de portée de la plupart et représente un budget que l’État sera de toute façon incapable d’accompagner.
Par ailleurs, avec la réforme du 1er janvier 2024, le Gouvernement a entouré la rénovation d’ampleur, via le parcours accompagné de MPR, de conditions qui ont certainement eu un effet dissuasif. L’exigence de résultat, c’est-à-dire de gagner a minima deux classes dans le DPE, est un principe légitime, d’autant plus qu’il permet de soutenir davantage les rénovations conduisant à des gains de trois ou quatre classes. Mais le Gouvernement a introduit des exigences supplémentaires, des obligations de moyens consistant en la réalisation d’au moins deux gestes d’isolation et des obligations de conseil avec l’exigence de faire appel à Mon Accompagnateur Rénov’ (MAR).
L’obligation de moyens est en effet antinomique à l’obligation de conseil. Si l’intervention d’un MAR est exigée dans le parcours accompagné, c’est lui qui doit décider de la nécessité de procéder à certains travaux.
L’analyse des DPE déposés sur la base ADEME en 2022 et 2023 montre en effet une grande disparité de la qualité de l’isolation, quantifiée par l’indicateur Ubat, parmi les logements classés dans la même classe selon le nature de l’énergie de chauffage. Les situations sont très diverses et requérir, a minima et de façon systématique, deux gestes d’isolation dans toutes les rénovations soutenues par le parcours accompagné conduit à imposer de réaliser des travaux non prioritaires et onéreux, en particulier en cas de modernisation du système de chauffage via une pompe à chaleur (PAC), avec le risque que finalement le projet de rénovation n’aboutisse pas.
Le parcours par geste reste incontournable
Parallèlement à la mise en place du parcours accompagné, les passoires thermiques ont été rendues inéligibles au parcours par geste dans MPR. En conséquence, en préalable à toute demande de subvention, le demandeur doit prouver, via la réalisation d’un DPE, que son logement ne relève pas de la classe des passoires thermiques, ce qui a alourdi les procédures et a un effet dissuasif.
L’impossibilité pour les passoires thermiques de recourir au parcours par geste est particulièrement pénalisante alors que ce segment est le plus incité à la rénovation compte-tenu des restrictions à la location et des factures énergétiques plus élevées. In fine, faute de pouvoir être soutenus par MPR pour l’acquisition d’une solution décarbonée en remplacement de leur système de chauffage, on peut craindre que de nombreux ménages se tournent vers des solutions, non subventionnées, mais moins onéreuses comme la chaudière à gaz.
Par ailleurs, pour justifier l’inéligibilité des passoires thermiques au parcours par geste, il a été avancé la thèse selon laquelle l’installation d’une PAC dans ces logements, avant d’éventuels travaux d’isolation, serait contre-productive. Mais les retours d’expérience ont démontré que la PAC s’adapte à l’évolution des besoins de chauffage sans aucun problème et sans dégradation de performances.