Avec 463 millions de tonnes de gaz à effet de serre émis en 2016, la France dépasse son objectif de 3,6% alors qu’elle vise la neutralité carbone à l’horizon 2050. Dans un contexte national et international de lutte contre ces émissions, cet échec est un coup dur pour la France. Cela ne doit pas faire baisser les bras mais au contraire redoubler les efforts !
L’une des causes principales de cette augmentation est la très mauvaise performance du secteur du bâtiment. C’est un sujet qui préoccupe beaucoup notre association depuis sa création et c’est pourquoi nous voulions y revenir plus en détail.
19% des émissions de gaz à effet de serre
La SNBC fixe chaque année un « budget carbone » à respecter afin d’atteindre une baisse de 27 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2028 par rapport à 2013.
En 2016, le CO2 émis par les bâtiments a compté pour 19 % des émissions totales soit un « dérapage » de près de 11 % par rapport à la trajectoire prévue. La cause ? Les ménages ont eu plus recours aux énergies carbonées pour chauffer leurs logements et les baisses de consommation liées aux rénovations énergétiques n’ont pas été suffisantes.
Cela résume les deux grands problèmes énergétiques du bâtiment :
- Les modes de chauffage sont encore beaucoup carbonés
- Les performances énergétiques sont bien trop médiocres
Les objectifs en matière de rénovation font souvent l’objet d’une attention médiatique particulière qui montre l’importance du sujet dans la société. Grand nombre sont ceux qui ont déjà vécu ou vivent encore dans un logement mal isolé avec des équipements de chauffage vétustes et peu efficaces.
En novembre dernier le gouvernement a présenté son plan de rénovation énergétique des bâtiments. Objectif : 150 000 rénovations / an pour les ménages modestes qui sont les plus touchés par la précarité énergétique.
L’enjeu est de taille puisque cette dernière touche selon l’ONPE près de 5 millions de ménages soit 12 millions de personnes et celles-ci dépensent en moyenne 15% de leurs revenus dans l’énergie, que ce soit pour le logement ou la mobilité. Mis en rapport avec la dépense de 6% seulement pour les ménages les plus aisés on se rend rapidement compte de l’ampleur du problème.
La rénovation, un chantier essentiel de la transition énergétique
Lorsqu’on parle d’émission de CO2 on a souvent en tête l’image de la pollution automobile, de centrales ou cheminées d’usine crachant une fumée noirâtre. C’est oublier que les bâtiments, qu’ils soient commerciaux, de bureau ou résidentiels, sont responsables de l’émission d’une quantité très importante de CO2, près d’un quart des émissions totales du pays !
Le problème principal vient sans doute de l’inertie du secteur concernant les avancées techniques, notamment en matière d’isolation. Un bâtiment est pensé et construit avec les techniques et matériaux de son époque, le transformer pour l’adapter aux évolutions peut vite être complexe et donc couteux !
Si les nouvelles constructions sont aujourd’hui très efficaces énergétiquement, la majeure partie des bâtiments existants en est bien loin et cela a un impact important tant au niveau de la consommation que des émissions de CO2 que cela provoque. La rénovation de ces bâtiments est donc un enjeu crucial pour la transition énergétique, autant au niveau de la décarbonation que celui de la baisse de la consommation.
Un des freins important de ces efforts de rénovation : la précarité, et pour comprendre ce problème il faut se pencher sur les couts de la rénovation. Que ce soit en termes de travaux d’isolation ou d’achat et installation d’équipements de chauffage, ils peuvent vite être importants. En 2016 le prix moyen des travaux effectués a été de 6700€ soit une somme plutôt conséquente car même les rénovations les plus accessibles comme l’isolation du sol ou la pose de double vitrage ont des couts moyens de 2 à 4000€. Cela reste, pour beaucoup de ménages, un investissement bien trop important.
De nombreuses aides ont été mises en place afin d’inciter et accompagner les propriétaires à effectuer des travaux comme le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), l’éco prêt à taux zéro ou encore le Pacte Energie Solidarité pour aider à isoler les combles perdus.
En ajoutant ces aides aux économies réalisées grâce aux travaux, ceux-ci deviennent vite rentables mais c’est l’investissement de départ qui pose souvent problème. Comme nous le confiait Patrick Chrétien, président de l’association Familles de France, « les familles très modestes, propriétaires comme locataires, qui n’ont, pour certaines, pas les moyens d’investir un seul euro ne peuvent pas engager ces travaux d’isolation » puisque les aides sont versés après les travaux.
Comment décarboner le bâtiment ?
Malgré les efforts de ces dernières années il reste encore beaucoup à faire si l’on veut vraiment et durablement réduire les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments en France. Le Plan rénovation énergétique des bâtiments, présenté le 26 avril dernier par le ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, a pour principale ambition de tenir l’objectif des 500 000 rénovations par an inscrit dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Toutefois, si les différents dispositifs d’accompagnement (CITE, éco-PTZ, etc.) sont simplifiés, envoyant un signal positif pour accélérer les rénovations, la question des émissions de CO2 est malheureusement éludée.
De plus, bien que l’effort se porte sur l’accessibilité de ces aides, beaucoup de ménages très modestes auraient besoin d’un système d’avance de fond, comme le souhaite l’association Familles de France, afin qu’ils puissent se lancer eux aussi dans des travaux de rénovation. Le même problème se pose au sujet des copropriétés en difficulté dont beaucoup peinent également à ne serait-ce qu’entretenir leurs bâtiments.
Autre point délicat, celui des bâtiments de bureau qui sont des gros consommateurs d’énergie, d’autant plus s’ils sont anciens. Le secteur représente 30% de la consommation énergétique du bâtiment et 30% de ses émissions de CO2. Pour diminuer cela, des rénovations lourdes ne sont pas forcément nécessaires, d’autant qu’elles peuvent rebuter les propriétaires par leur cout et la durée parfois longue des travaux. La société de conseil BHC pointe ainsi le fait qu’un simple audit de la consommation ou le remplacement des équipements vieillissants par du neuf peuvent déjà largement améliorer l’efficacité énergétique et réduire la consommation.
La transition énergétique des bâtiments est en cours et au-delà des labels qui se multiplient et se généralisent, on assiste aussi à de plus en plus d’expérimentations sur le bâtiment de demain, intelligent, autosuffisant voire producteur d’énergie. Ces expériences grandeur nature nous donnent un aperçu de ce à quoi pourront ressembler nos villes, nos logements, nos bureaux dans un futur qui, on l’espère, est proche.