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« La rénovation énergétique des logements : le chantier ne fait que commencer »

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Dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2023, vous avez produit un rapport sur la rénovation énergétique des bâtiments et la mutation du parc automobile. Vous vous intéressez particulièrement à la dynamique de la rénovation des logements. Est-elle à la hauteur des objectifs ?

Antoine Armand : J’ai choisi de cibler mon travail sur la rénovation énergétique des logements car elle apparait comme un des chantiers les plus urgents à poursuivre lors de cette mandature. Cette responsabilité de rapporteur dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 m’a amené à conduire des dizaines d’auditions d’acteurs et d’experts du secteur ; elles mènent à un constat clair : les dernières années ont permis de réaliser des avancées inédites en matière de rénovation énergétique, mais la marge de progression est encore très grande. Les politiques publiques déjà entreprises par le Gouvernement sont en cohérence avec l’objectif poursuivi. Prenons pour exemple MaPrimeRénov’, qui est l’aide la plus sollicitée et la plus connue des français : depuis sa mise en place en 2020, 1,25 million de dossiers en ont bénéficié et les rénovations effectuées permettent d’économiser l’équivalent de la consommation énergétique de la ville de Lyon. Cependant, il est impératif d’accélérer cette dynamique pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Quels progrès seront possibles dans ce domaine grâce à la loi de finances pour 2023 ?

A. A. : La loi de finances pour 2023 a permis plusieurs avancées majeures en faveur de la rénovation énergétique, dont nous devons nous féliciter collectivement. Tout d’abord, 500 millions d’euros supplémentaires sont attribués à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) pour renforcer ses moyens financiers et humains, dont 200 millions d’euros dédiés à la rénovation des passoires thermiques dans le logement social. De plus, pour répondre à la nécessité de favoriser les rénovations globales par rapport aux gestes de rénovation isolés, les dispositifs déjà en place et renforcés seront d’autant plus incitatifs : pour les copropriétés, pour les plus modestes, et pour les ménages intermédiaires et supérieurs, les plafonds de travaux finançables et les montants de prime sont relevés pour les rénovations globales.

Dispose-t-on aujourd’hui des bons instruments pour connaître et agir ? Que faudrait-il améliorer ?

A. A. : Pour agir au mieux, l’enjeu central est celui de la connaissance globale du parc et de la mesure des économies d’énergie réalisées grâce aux travaux de rénovation. Si des progrès ont été réalisés, il faut cependant généraliser la collecte des données sur le parc, de façon anonyme et sécurisée, afin que les acteurs de la planification aient une vision précise des résultats obtenus et des évolutions à mettre en oeuvre. De plus, afin d’évaluer précisément les gains énergétiques associés aux travaux de rénovation, je propose de systématiser la réalisation des diagnostics de performance énergétique (DPE). Il ne doit aujourd’hui être fourni qu’au moment de la vente ou la remise en location d’un bien. Ainsi, l’acquisition des données est particulièrement lente. Si le principe de l’obligation générale est très ambitieux à court terme, l’obligation de produire un DPE à l’issue des rénovations financées par des aides publiques aurait déjà un impact significatif.

Quel doit être le rôle des collectivités territoriales dans la politique de rénovation des bâtiments ?

A. A. : Je crois que leur rôle est avant tout de faire figure d’exemple, tout comme l’État doit le faire sur son propre patrimoine. Les collectivités doivent rénover leurs biens et sont pour cela soutenues par le Gouvernement : une enveloppe de quatre milliards y est dédiée dans le plan de relance, à laquelle s’est récemment ajouté le Fonds vert. De plus, les collectivités sont un relais essentiel auprès des particuliers, pour les informer sur les aides de l’État qui leurs sont ouvertes. Au-delà des mesures d’information, les collectivités locales sont nombreuses à apporter un soutien financier supplémentaire aux particuliers ou aux entreprises dans leurs travaux de rénovation énergétique.

Votre rapport traite également de la décarbonation des véhicules et notamment des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Quel regard portez-vous sur ce dispositif ? Doit-il être assoupli ? Comment le faire accepter ?

A. A. : La mise en place des ZFE a pour objectif de lutter contre la pollution atmosphérique : c’est un enjeu majeur pour la préservation de l’environnement et de la santé publique. Chaque année, la pollution de l’air est responsable de plusieurs dizaines de milliers de décès prématurés, génère de nombreuses maladies respiratoires et participe aussi à la dégradation de la biodiversité, des rendements agricoles ou encore des bâtiments. À mes yeux, nous devons garder ce cap et nous mobiliser contre les tentatives de suppression des ZFE par l’extrême droite. Pour que cette mesure soit acceptable pour les Français et les collectivités, l’État doit faire preuve de pédagogie et les accompagner financièrement : c’est le sens des mesures portées par les députés Renaissance et le Gouvernement. Le bonus écologique, qui passe à 7 000 euros pour les ménages les plus modestes, et la prime à la conversion, renforcée de 1 000 euros dans les ZFE, visent à faciliter l’accès à un véhicule propre pour tous. Au-delà de la conversion du parc automobile, les mobilités alternatives doivent apparaitre fiables pour les trajets du quotidien, sécurisées et économiques : c’est l’objectif du plan vélo, du forfait mobilités durables, ou encore des investissements dans le réseau ferroviaire. D’autre part, à l’instar du problème rencontré en matière de rénovation énergétique, une meilleure connaissance de l’évolution de la pollution atmosphérique est le socle d’une adéquation des politiques publiques. Ainsi j’ai obtenu dans le projet de loi de finances pour 2023 une augmentation de deux milliards d’euros pour le budget des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air.

Vous êtes rapporteur de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France. Quels sont ses enjeux ?

A. A. : La création de cette commission s’inscrit dans un contexte particulier de crise énergétique, conséquence de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine, mais qui semble aussi prendre racine dans des choix énergétiques plus anciens. L’objet de cette commission d’enquête et mon devoir de rapporteur sont donc de faire toute la lumière sur l’évolution de notre production et notre approvisionnement énergétique et sur les décisions qui y ont conduit. Pour cela, nous interrogeons de nombreuses personnalités issues du secteur de l’énergie (ingénieurs, statisticiens, dirigeants d’EDF, de TotalEnergies, du CEA, etc.) ou de la sphère politique (ministres de l’Énergie, Premier ministre, etc.) afin d’étudier les choix de développement des énergies, nucléaire et renouvelables. Je souhaite également, et c’est probablement notre mission la plus substantielle à la veille de l’examen de la loi de programmation énergétique, tirer les leçons du passé pour être à la hauteur des enjeux de notre siècle qui nécessitent de conjuguer sobriété, décarbonation et défense de notre souveraineté.

Antoine Armand
Antoine Armand
député de Haute-Savoie
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