Au cours des dernières années, de nombreux prototypes liés à la mobilité propre ont émergé grâce aux initiatives de Bertrand Piccard avec Solar Impulse ou celle de Marco Simeoni avec Race for Water. La France compte depuis quelques mois un projet similaire : Energy Observer, catamaran à l’architecture énergétique novatrice. A l’occasion du premier anniversaire de sa mise à l’eau, revenons ensemble sur les spécificités de ce projet made in France.
Limiter le réchauffement climatique est l’enjeu majeur de la Transition écologique, c’est dans cette optique que, du Protocole de Kyoto à l’Accord de Paris en passant par la loi sur la transition énergétique et pour la croissance verte, les objectifs nationaux et internationaux ont pour priorité la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
D’après une étude de l’AIE[1] – Agence internationale de l’énergie – parue en 2014, les émissions de CO2 attribuables au transport[2] représentent 20,4 % du total des rejets mondiaux, un chiffre en stagnation depuis 1990 (19,9 %). Force est de constater que notre pays se situe bien loin des clous avec 42,4 % d’émissions de CO2 – combustion de carburant imputable à la mobilité, ce qui représente près de 10 points de plus qu’en 1990 (32,8 %). Il est par conséquent primordial d’entreprendre et d’intensifier la décarbonation des transports pour rattraper le retard français.
C’est dans ce contexte que deux malouins, Victorien Erussard – capitaine – et Jérôme Delafosse – chef d’expédition – ont entrepris depuis plus de cinq ans la création d’un navire à énergie positive capable de naviguer par-delà les océans.
Un navire à énergie positive
Energy Observer est avant tout un bateau laboratoire tirant son autonomie de l’alliance entre les énergies solaire, éolienne et hydrogène.
Pour produire son énergie, le bateau dispose de 130m2 de panneaux photovoltaïques bifaciaux (21 kWc[3]), de deux éoliennes à axe vertical (1 kWc) et d’un électrolyseur permettant de transformer l’eau de mer en hydrogène (2,5 kWc). En matière de puissance, le mix fait la part belle à l’électricité, qui fournit 22 kWc sur les 24,5 kWc totaux, soit presque 90 % de l’apport. L’hydrogène (H), grâce à sa facilité de stockage, intervient principalement pour assurer la navigation en période creuse. Il est intéressant de constater que l’Hydrogène produit par l’électrolyse a l’intérêt d’être une énergie propre[4], contrairement aux autres formes de production de cet atome qui rejettent du CO2. Toutes les énergies consommées sur l’Energy Observer sont donc des EnR.
Ainsi, avec ces apports, l’imposant catamaran de 30,5 mètres de long sur 12,8 mètres de large pour un poids de 30 tonnes, atteint une vitesse cible de 8 à 10 nœuds[5] grâce à ses deux moteurs électriques (2 x 41 kW) et son aile de traction de 50 m2.
Un autre aspect novateur de ce bateau est sa constante évolution. En effet, chaque année, un équipement embarqué sera remplacé en prenant en compte les dernières technologies. Ainsi, cette année, les panneaux solaires seront changés afin d’obtenir un meilleur rendement.
Objectif : démontrer qu’un mix énergétique sans carbone est possible
Energy Observer n’est pas seulement une plateforme expérimentale, c’est aussi un « bateau média » qui a pour objectif, à travers ses 101 escales et ses 50 pays visités, de prouver qu’un mix énergétique décarboné autonome est viable.
Logiquement, ce projet s’inscrit dans la promotion de la mobilité propre, particulièrement d’actualité à l’heure où de nombreux industriels développent des véhicules électriques ou hybrides.
Mais c’est surtout dans le champ des applications terrestres qu’il prend tout son sens, au moment où la production décentralisée d’électricité est valorisée sur notre territoire.
C’est pourquoi de nombreux partenaires venant des secteurs du Bâtiment, de l’Energie et de la Mobilité accompagnent le navire de la Transition énergétique.
Quel avenir pour l’Energy Observer ?
Le plus grand défi de l’Energy Observer sera de montrer sa capacité à intégrer, en temps réel et tout au long de son Odyssée, des équipements technologiques sophistiqués tels que des électrolyseurs, des piles à combustible, sans perdre en efficacité. Par ailleurs, les systèmes énergétiques employés dans le catamaran devront aussi apporter la preuve de leur compétitivité lors de leur transposition à l’échelle industrielle, tout en garantissant des coûts acceptables pour le consommateur. Sans ces deux points, le navire ne pourra accomplir pleinement sa mission de « préfigurateur du système énergétique de demain » et ne restera qu’une expérience ambitieuse. Depuis le 28 mars 2018, l’Energy Observer s’est lancé dans son tour Méditerranée qui l’amènera en Corse, puis en Italie, Tunisie… et bien d’autres pays, pour un tour complet du bassin Méditerranée qui s’annonce plus qu’enrichissant !
EdEn et l’Energy Observer ?
Indiscutablement, par son implication dans le développement de la décarbonation de l’économie, l’Energy Observer s’inscrit dans l’intérêt général. C’est donc tout naturellement que notre association est devenue partenaire institutionnel. Déjà présent le 14 avril à Saint-Malo pour sa mise à l’eau et le 6 juillet dernier pour son baptême républicain à Paris, nous continuerons à les soutenir durant les prochaines années. Nous ne manquerons pas de vous faire connaitre son activité et l’application de ses technologies dans d’autres contextes, via notre site internet.
Les recommandations d’EdEn en lien avec les enjeux soulevés par l’Energy Observer:
Notre association a la conviction que la mobilité durable passe par le vecteur électrique. Nous proposons plusieurs mesures pour permettre son développement à une grande échelle :
- Maintien des aides publiques liées au véhicule électrique à la fois pour la recherche et en faveur des consommateurs ;
- Mise en place d’un plan de déploiement des bornes de recharge électrique sur tout le territoire, y compris pour la France rurale.
Les enjeux soulevés par l’Energy Observer ne se limitent pas seulement à la Mobilité, les secteurs de l’Energie et du Bâtiment sont aussi impliqués dans cette expérience. Quelques préconisations d’EdEn sur des thèmes soulevés par le navire :
- La fabrication d’hydrogène par électrolyse doit être encouragée, car elle est propre, a contrario de ses autres systèmes de production ;
- L’électricité d’origine renouvelable doit être valorisée et cela par deux moyens : des appels d’offre réguliers pour la construction d’infrastructures de moyenne ou grande envergure et un tarif de rachat de la production intéressant pour les petites installations liées à l’autoconsommation. La fiscalité de l’électricité nécessite néanmoins un rééquilibrage par rapport à celle du gaz, afin de bénéficier de cette énergie décarbonée à un meilleur prix.
Sur toutes ces recommandations, notre association portera une attention toute particulière à l’impact sur le pouvoir d’achat du citoyen-consommateur.
[1] Statistiques OCDE/AIE (2014)
[2] Pourcentage de la combustion totale de carburants
[3] Kilowatt crête, la puissance électrique maximale pouvant être fournie dans des conditions standard.
[4] L’hydrogène est produit par l’électrolyse de l’eau de mer prélevée par l’Energy Observer.
[5] Approximativement une vitesse comprise entre 14 km/h et 18 km/h.