Le secteur du logement social s’est prêté à des expérimentations « tout électrique » pilotées par l’Union Sociale pour l’Habitat (USH) dans le cadre de constructions neuves. Objectif : démontrer que l’électricité est l’énergie la plus compétitive et la plus protectrice de l’environnement. Pari réussi ! Pourtant, le gaz demeure privilégié. Cherchez l’erreur !
Le logement social en France, c’est un parc de près de 5 millions de logements gérés par 732 organismes HLM, publics ou privés, répartis sur toute la France. Il s’agit prioritairement d’un marché de rénovation répondant à un double enjeu : amélioration des performances énergétiques et réduction des charges des locataires. Plus de la moitié du parc existant a été construit avant 1979, avant les premières réglementations thermiques qui ont été élaborées en réponse au choc pétrolier des années 70. La consommation énergétique des logements HLM est somme toute inférieure de 20% en moyenne à celle du reste du secteur résidentiel en raison de la vigilance des bailleurs sociaux. Cependant, de nombreux logements demeurent très consommateurs d’énergie. Des engagements ont d’ailleurs été pris par le Mouvement HLM en 2007 pour améliorer la performance énergétique des 800 000 logements les plus problématiques d’ici 2020. Dans ce contexte, des projets de rénovation importants sont menés tous les ans. 125 000 logements sociaux ont par exemple été réhabilités en 2014 (1).
Electricité : faire tomber les fausses croyances
La construction neuve s’avère à la marge à l’échelle du parc existant. Toutefois, 76 000 nouveaux logements ont été mis en chantier en 2015, soit 22% de toutes les nouvelles constructions initiées en France cette même année. Les organismes HLM se veulent exemplaires sur le volet de la performance énergétique. Par anticipation de la RT 2012, ils ont généralisé dès 2009 les bâtiments basse consommation (BBC) dans le cadre de leurs nouveaux programmes de construction. Avant de passer à l’étape des bâtiments « à énergie positive ». (2)
Cependant, un constat s’impose. Bien que l’électricité soit plus économique et protectrice de l’environnement car « décarbonée », le logement social privilégie globalement le gaz en construction neuve et en rénovation.
Afin de rectifier le tir et de démontrer la valeur ajoutée de l’électricité, un programme expérimental « tout électrique » a été lancé il y a cinq ans par l’Union Sociale pour l’Habitat (USH) et le Groupe Muller sur quatre programmes de construction de logements sociaux dans l’Est, en Normandie et en Ile-de-France. Au menu : chauffage électrique via des appareils de dernière génération, production d’eau chaude sanitaire via des chauffe-eau thermo-dynamiques, système de pilotage et de gestion… le tout estampillé Airélec (Groupe Muller). Le logement social étant financé par des fonds publics, il est essentiel de privilégier des solutions et des équipements certifiés et produits en France ou en Europe qui présentent des garanties de qualité (solidité, sécurité) et de performance (consommation, confort).
« Avec cette expérimentation, nous avons voulu mettre en avant les atouts et la faisabilité de l’électricité mais aussi faire tomber quelques fausses croyances sur celle-ci. Concernant le neuf, la Réglementation Thermique 2012 et le mode de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) basé sur l’énergie primaire ont empêché les bailleurs sociaux d’opter pour l’électricité – issue en priorité des énergies renouvelables il va sans dire – et ont eu pour effet de privilégier le gaz. Ceci est une hérésie au niveau économique et environnemental. En effet, le gaz est plus onéreux. Il nécessite un double abonnement et des frais annuels d’entretien de chaudière. Quand on additionne toutes ces contraintes, l’électricité est finalement 15 % à 20 % moins cher que le gaz. Cerise sur le gâteau, cette différence prend en compte les frais d’isolation plus conséquents et incontournables quand on choisit l’électricité, isolation qui assure performance et pérennité du bâtiment ! Pour clore le tout, le gaz, en tant qu’énergie fossile, est plus polluant que l’électricité qui est décarbonée. Où est la logique ? », explique Daniel Aubert, ancien directeur général de l’USH, membre d’EdEn, Président de Promotelec Services (certificateur dans le domaine de l’énergie et de l’environnement), maire adjoint de l’Haÿ-les-Roses (94) à l’urbanisme, l’habitat et au développement durable.
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Des avantages financiers et fiscaux en faveur du gaz ?
Marcherait-on sur la tête ? Pourquoi le secteur du logement social et le monde du bâtiment et de la construction dans son ensemble ne veulent pas voir les atouts de l’électricité ? L’électricité ferait-elle peur ? L’amalgame entre électricité et nucléaire explique certainement en partie cette incohérence. Mais ce n’est pas tout ! « Dans leurs opérations de rénovation, les bailleurs sociaux bénéficient de dispositifs financiers et fiscaux attractifs proposés par la filière gaz. Ils optent donc le plus souvent pour des installations au gaz. Au-delà de ces aspects mercantiles, la filière gaz bénéficie de deux autres avantages : le mode de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) qui s’effectue en énergie primaire et les failles de la RT 2012 », affirme Eric Baudry, directeur Marketing & Développement du groupe Muller. Aujourd’hui, les immeubles construits dans le cadre de l’expérimentation de l’USH sont opérationnels. « Les atouts économiques et environnementaux de l’électricité sont bel et bien là avec des performances énergétiques conformes aux études menées en amont et un niveau de confort optimal apprécié par les occupants », précise Eric Baudry.
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En route vers le « tout électrique » bas carbone ? Pas si sûr…
Le combat mené ces dernières années par l’USH et EdEn pour infléchir la RT 2012 et enrayer la dynamique en faveur du gaz est resté vain. « Nous travaillons à l’heure actuelle sur la faisabilité de programmes de construction neuve – bâtiments collectifs ou maisons individuelles – « tout électrique » et bas carbone pour être en totale adéquation avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) et la future réglementation thermique », ajoute Eric Baudry. Certes, les espoirs se tournent maintenant vers la nouvelle réglementation thermique attendue à l’horizon 2018-2020 qui semble vouloir prendre en considération la dimension carbone et les émissions de CO2. Selon Eric Baudry qui se veut tout de même optimiste, « la filière électrique reste cependant confrontée aux mêmes errements que ceux rencontrés lors de la rédaction de la RT 2012. » L’expérimentation actuelle du label bas-carbone constitue les prémices de cette nouvelle réglementation. Et, souci majeur, ce label s’avère en contradiction avec certains objectifs de la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV) et donc avec les objectifs de la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Le référentiel du label énergie-carbone n’enraye pas les failles du mode de calcul du Diagnostic de performance énergétique (DPE), émanation de la Réglementation Thermique 2012. Le critère énergie du nouveau label renvoie toujours à l’énergie primaire, c’est un mauvais signal. De plus, le critère carbone n’est pas contraignant. Or, il devrait l’être pour répondre aux objectifs de la stratégie nationale bas-carbone. Quand l’électricité issue des énergies renouvelables et décarbonée sera-t-elle enfin reconnue à sa juste valeur ?
(1) (2) Sources : Chiffres clés du logement social, édition nationale de septembre 2016 (Union Sociale pour l’Habitat) / Fiche thématique « Energie et environnement » (Union Sociale pour l’Habitat).