Notre Atelier-Débat était complet jeudi 11 juin pour accueillir le Député et Président de l’Office Parlementaire d’Évaluation des Chois Scientifiques et Technologiques, Monsieur Jean-Yves Le Déaut. La question ce jour là était : « Quelle place pour l’innovation en matière d’économies d’énergie dans le bâtiment ? ». Ce dernier a rappelé la liste des recommandations citées dans le rapport de l’OPECST, qui sont suivies depuis plus de neufs mois par les votes des parlementaires lors de l’examen de la loi de Transition Energétique.
Le Député Jean-Yves Le Déaut a très aimablement rendu hommage aux travaux d’EdEn, qui l’ont inspiré ainsi que son co-rédacteur le Sénateur Marcel Deneux, en particulier ceux sur la contrainte thermique en fonction du CO2 et la prime en énergie primaire dans les zones non desservies par le gaz.
Les Présidents Serge Lepeltier et Jean Bergougnoux- qui entourent Monsieur Le Déaut sur la photo- ont également souligné l’urgence de réconcilier les acteurs de l’isolation et de la gestion active de l’énergie. Enfin, le consensus était visible à la tribune pour obliger les acteurs privés comme publics à mesurer, a posteriori, les résultats des travaux d’économie d’énergie.
L’Europe est en mouvement pour conquérir les marchés immenses de la rénovation énergétique, et il serait peu responsable de gérer la transition énergétique française dans l’immobilisme technique. Selon le rapport de l’OPECST, les freins réglementaires à l’innovation en matière d’économies d’énergie dans le bâtiment.
La France risque de perdre la bataille de l’emploi associé si elle néglige le formidable défi scientifique et technologique que représente l’amélioration de la performance énergétique de ses trente millions de bâtiments. C’est un marché d’au moins 900 milliards d’euros, trois fois le coût du renouvellement à neuf du parc d’électricité français, et les techniques connues n’y suffiront pas. Il faudra des ruptures technologiques pour faire face en quelques décennies à ces besoins immenses, tant au niveau des solutions qu’à celui des procédés, et l’emploi se localisera dans les pays où les efforts d’innovation et de développement industriel auront été accélérés. Ainsi restituée dans la perspective dynamique de la transition énergétique, l’analyse des freins réglementaires à l’innovation revêt un caractère absolument stratégique. Depuis 2005, plus de 3000 brevets déposés en France, pour plus de 11000 en Allemagne!
La discussion du projet de loi sur la Transition Energétique a retenu l’essentiel des recommandations de ce rapport, notamment en ce qui concerne le besoin d’un nouvel élan en faveur de la physique du bâtiment et la mise en place d’un contrôle rapproché du Parlement sur la gouvernance et l’activité du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment), qui doit notamment s’immerger dans le monde de la recherche.
Les principaux freins réglementaires relevés par le rapport de l’OPESCT
Au sein du dispositif qui régule l’entrée sur le marché des composants de la construction, qu’il s’agisse des matériaux ou des équipements, les rapporteurs ont identifié les principaux freins réglementaires suivants :
- les procédures évaluant la sécurité et la qualité des produits.
- Les aides publiques attachées aux produits, à l’image du crédit d’impôt transition énergétique (CITE). La fixation des règles d’octroi s’effectue à partir des caractéristiques des produits déjà commercialisés ; les produits innovants qui fonctionnent selon des principes différents se trouvent ainsi désavantagés, les aides bénéficiant aux produits mûrs.
- la réglementation thermique, dite «RT2012 » et plus précisément le « moteur de calcul ». Toute nouvelle construction est soumise au test de ce «moteur de calcul» pour vérifier, sur plan, si elle se conforme à la RT2012. Cela suppose, au préalable, que tout nouveau composant soit techniquement décrit dans le «moteur de calcul»; cette prise en compte s’effectue selon une procédure dite du «titre V », qui se conclut par la publication d’un arrêté ministériel. Les rapporteurs ont mis en évidence que cette procédure conduit à valoriser de manière incomplète les apports en énergies renouvelables des pompes à chaleur, ou encore les économies d’énergie obtenues par la «gestion active de l’énergie », qui répond aux besoins au niveau de chaque pièce, grâce à des capteurs.
- la non-prise en compte des émissions de CO2
- La prise en compte homogène des territoires. Les rapporteurs rappellent que les habitants des zones non raccordées au gaz (25 % de la population, vivant dans plus des deux tiers des communes), voient leurs possibilités d’arbitrage en matière de source d’énergie considérablement réduites, ce qui justifierait un assouplissement de la norme en énergie primaire venant atténuer le surcoût subi du fait de cette moindre concurrence.
Les 15 priorités à retenir pour recréer une dynamique d’innovation des économies d’énergies dans les bâtiments
- Ne pas aggraver la situation. Ne pas promouvoir des labels qui, s’inscrivant dans la droite ligne de la RT2012, en aggraverait les conséquences néfastes;
- Revoir la procédure d’évaluation de la sécurité des produits avec sans doute la création d’un conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique;
- Passer à un mode de gestion Open Source du moteur de calcul afin que les innovations soient toujours référencées très rapidement.
- Faire évoluer la politique d’aides fiscales afin de proposer une allocation globale aux projets de rénovation et non plus aux produits.
- Inciter à la réduction des pointes de consommation en favorisant l’effacement de la demande, grâce à une tarification dissuasive lors des pics de consommation, aux objets connectés et, aux moyens de stockage de l’énergie.
- Assouplir la norme en énergie primaire par une double modulation : géographie de la desserte en gaz et installation d’un chauffage relais (bois ;stockage ballon d’eau chaude ; réseau de chaleur)
- Considérer le cout complet du cycle de vie des produits avec l’exploitation et la maintenance des chaudières à gaz , par exemple ;
- Promouvoir l’expérimentation des technologies dans les régions avec les huit plateformes technologiques à l’ANCRE;
- Recherche dans la construction passive avec un stockage de l’énergie inertielle;
- Accélérer les progrès scientifiques pour la mesure de la performance in situ;
- Développer les réseaux électriques intelligents et communicants;
- Introduire dès 2016 la modulation CO2 prévue par la Loi. C’est un « replâtrage » facile et assez efficace. Il ne s’agit nullement de « tuer le gaz » qui, lui aussi peut et doit innover, mais de rééquilibrer l’offre de marché et de ne pas tuer des solutions innovantes électriques porteuses d’avenir ;
- Pousser les travaux sur les futures réglementations en particulier les réflexions RBR2020-2050. Anticiper le plus possible, la mise en place d’une nouvelle réglementation qui, ayant bien identifié les défis à relever, assurera la promotion d’innovations pertinentes, efficaces et porteuses de compétitivité;
- Renforcer la formation et la pédagogie sur les économies actives;
- Exemplarité des marchés publics en termes de performances énergétiques.
Monsieur Le Déaut considère que les constructeurs doivent s’engager sur un résultat d’économies d’énergie. Pour conclure sur une action en faveur des TPE/PME, je retiendrai l’exemple du Président Jean-Yves Le Déaut qui citait la prise de participation d’une grande entreprise comme BASF dans une PME régionale innovante en Meurthe-et-Moselle.
Voici le premier extrait video de l’introduction du Président Le Déaut :