En poursuivant votre navigation, vous acceptez l'utilisation de cookies pour mesurer l'audience de notre site.
FERMER

L’électricité, premier vecteur de décarbonation

Par le |

En France et en Europe, l’électricité est amenée à jouer un rôle essentiel dans la décarbonation des économies et sociétés. Comment EDF se prépare-t-il à cette révolution électrique qui devrait augmenter la part de l’électricité dans les consommations finales en énergie ?

Marc Benayoun : Pour diminuer le volume global des consommations énergétiques, EDF propose à ses clients des solutions efficaces de maîtrise de leurs consommations. Nous les accompagnons aussi dans la réduction de leurs émissions de CO2 avec le développement des énergies bas carbone comme la biomasse et l’hydrogène bas carbone ou des solutions performantes comme les pompes à chaleur, les bornes de recharge pour véhicules électriques ou les réseaux de chaleur.

Cette politique de pénétration accrue de l’électricité n’a de sens que si elle permet d’atteindre effectivement les objectifs de décarbonation et d’efficacité énergétique. Pouvons-nous passer en revue les stratégies que vous développez dans chacun des grands secteurs consommateurs, en commençant par le bâtiment ?

M. B. : Pour le bâtiment, où les émissions peinent à baisser, voire stagnent depuis 30 ans, l’objectif est de diviser par deux les consommations énergétiques et de n’avoir recours qu’à des énergies très peu ou pas émissives en 2050. Pour relever ce défi, la mise en oeuvre de la RE 2020 dans les logements résidentiels neufs constitue un levier très significatif. Le groupe EDF accompagne de longue date les constructeurs, les promoteurs et les bailleurs sociaux dans la mise en oeuvre de solutions énergétiques performantes et bas carbone. Nous proposons une gamme de solutions destinées au bâtiment neuf qui favorisent la décarbonation, depuis la conception du bâtiment jusqu’à sa livraison, en nous appuyant sur l’expertise de nos filiales pour la réalisation des travaux. EDF et ses filiales sont aussi très présents dans le domaine de la rénovation énergétique à travers le dispositif des CEE. IZI by EDF développe ses activités sur les travaux de rénovation intérieure et extérieure vers les particuliers et les petits professionnels. CHAM vend, installe et réalise la maintenance des pompes à chaleur et des chaudières. Dalkia propose des contrats de performance énergétique dans les bâtiments tertiaires et industriels ainsi que des solutions à base de pompes à chaleur. Nous proposons également aux occupants des bâtiments des solutions digitales pour suivre, optimiser et piloter leurs consommations énergétiques et leur empreinte carbone comme le pilotage intelligent du bâtiment (PIB) ou encore la plate-forme intégrée de pilotage à distance de l’efficacité énergétique Dalkia Energy Savings Center (DESC), qui optimise l’exploitation de 40 000 installations en France.

Quelle stratégie de décarbonation pour les transports ?

M. B. : Ce secteur est en France le plus émetteur de gaz à effet de serre avec 31 % des émissions nationales en 2019, et le seul à avoir vu ses émissions augmenter depuis les années 1990 (+ 11 % depuis 1990). L’électricité très bas carbone est la solution incontournable. Nous proposons une électricité à 97 % sans émissions de CO2 et une offre d’hydrogène bas carbone à partir de l’électrolyse. Pour accélérer la mobilité électrique en France et en Europe, nous nous concentrons sur le déploiement de bornes de recharge et des services associés à travers notre filiale IZIVIA. Nous proposons une solution d’avenir avec le smart charging V1G et développons un pilote industriel V2G pour récupérer l’énergie électrique de la batterie lorsque celle-ci n’est pas utilisée.

Justement, quels sont vos objectifs notamment en matière de développement des bornes de recharge qui restent un point critique ?

M. B. : EDF s’était fixé l’objectif de déployer 150 000 points de recharge en France, en Italie, au Royaume-Uni et en Belgique d’ici 2023, dont 10 000 en smart charging V1G et V2G. Cet objectif ayant été atteint fin 2021, nous annoncerons prochainement notre nouvel objectif revu à la hausse. En France, le parc global installé pourrait atteindre 3,2 millions de points de charge en 2025, soit six fois plus qu’en 2020. Notre filiale IZIVIA est déjà leader puisqu’elle exploite 26 % des points de charge ouverts au public en voirie. Elle est également très présente dans les entreprises. Notre filiale IZI by EDF installe également des points de charge chez les particuliers et les professionnels.

La décarbonation de l’industrie est un objectif majeur du gouvernement. Quelles solutions proposez-vous ?

M. B. : C’est en substituant des énergies bas carbone (électricité, hydrogène par électrolyse, biomasse) aux énergies fossiles, en électrifiant les process industriels, en réduisant les consommations et en récupérant la chaleur fatale que les industriels peuvent réduire leurs émissions de CO2. Depuis 2017, nous accompagnons Toyota dans son objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Les actions mises en place, cogénération, pilotage intelligent, optimisation de l’éclairage et de l’air comprimé, ont déjà permis de réduire de 15 % les émissions de CO2 du site de production de la Yaris, dans le nord de la France. Autre exemple, Thales Alenia Space a signé avec notre filiale Dalkia un contrat de performance énergétique pour son site de Cannes d’une durée de 15 ans qui lui permet de réaliser 45 % d’économie sur l’énergie nécessaire à la production d’eau chaude et d’éviter les émissions annuelles de 980 tonnes de CO2.

La mise en oeuvre de cette stratégie de décarbonation vous conduit-elle à repenser votre relation client et élargir la gamme de vos services ?

M. B. : Aider nos clients dans la réduction de leurs émissions de CO2 et de leurs factures est au coeur de nos missions. L’accompagnement des industriels dans leur stratégie de décarbonation s’inscrit dans le temps et nous conduit à repenser notre relation avec eux. Nous ne sommes plus seulement un fournisseur d’énergie, nous devenons un partenaire-conseil, un acteur dans les usines, qui en connaît tous les process. C’est ainsi que nous venons de lancer un nouveau service : le conseil en stratégie bas carbone. Nous construisons avec les industriels leurs objectifs de décarbonation et les moyens pour les atteindre et leur présentons des solutions de financement. Autre exemple d’élargissement de notre gamme : les jumeaux numériques qui permettent de modéliser un process industriel pour en optimiser les consommations énergétiques. C’est ce que nous proposons avec notre filiale Dalkia à travers sa solution Dalkia Analytics, en partenariat avec la CleanTech française METRON.

Quel regard portez-vous sur la RE 2020, mise en oeuvre depuis le 1er janvier 2022 ?

M. B. : Avec la RE 2020, la France concrétise sa stratégie nationale bas carbone dans les bâtiments neufs. Alors que la RT 2012 n’intégrait pas le facteur carbone et se basait uniquement sur l’énergie primaire, la RE 2020 a fait évoluer deux paramètres : le coefficient d’énergie primaire, qui passe de 2,58 à 2,3, et le contenu CO2 du chauffage électrique, établi à 79 g de CO2 par kWh. Nous avons maintenant un cadre opérationnel pour la décarbonation des bâtiments. Il y a 4,8 millions de passoires thermiques en France. La rénovation énergétique aura aussi un rôle à jouer pour réduire les émissions de CO2. La RE 2020 ouvre aussi des perspectives nouvelles pour l’économie, et notamment pour toute la filière des pompes à chaleur, depuis la fabrication jusqu’à l’entretien, en créant des emplois qualifiés dans nos territoires.

Lire aussi : RE2020, maintenir le cap vers la neutralité carbone en 2050

La crise du gaz et ses répercussions sur les marchés de l’électricité ont beaucoup perturbé les consommateurs qui peuvent se demander à quelle boussole se fier. Que leur répondez- vous et que faudrait-il faire pour éviter de leur faire supporter les fluctuations des marchés court terme ?

M. B. : Bien que la France ait des actifs très décarbonés, ce sont les coûts variables des centrales thermiques qui font le prix de marché la grande majorité de l’année. C’est le fonctionnement normal d’un marché où le prix est déterminé par le dernier actif de production appelé. Avec la sortie engagée du charbon et l’instauration du marché européen des quotas carbone, ce prix est lié à la fois à celui du gaz – l’impact est d’environ 80 % dans le prix actuel – et à celui du CO2 – pour environ 20 %. Cette situation doit nous faire réfléchir à la façon de réintégrer le long terme dans les marchés de l’énergie. Elle met aussi en lumière le fait qu’à terme l’Europe doit réussir à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles et combien dans cette optique le nucléaire et les renouvelables seront de réels atouts pour arriver à la neutralité carbone en 2050. En tant que fournisseur, il nous appartient de renforcer notre présence auprès de nos clients entreprises pour mettre en oeuvre toutes les solutions qui leur permettront de passer ce cap difficile : depuis les conseils à l’achat d’énergie, en privilégiant les montages d’offres les plus sécurisants avec des approvisionnements de long terme pour lisser les prix dans la durée, en proposant des contrats d’effacement contre rémunération, en mettant en place des facilités de paiement quand cela est possible. Les ménages bénéficient quant à eux du bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement.

L’examen des textes mis en circulation par la Commission européenne dans le cadre de l’initiative Fit for 55 bat son plein. Quels sont les points qui vous paraissent essentiels et quels amendements souhaiteriez-vous, le cas échant, leur voir apporter ?

M. B. : L’action européenne s’est jusqu’à présent concentrée sur l’efficacité énergétique. C’est évidemment nécessaire mais loin d’être suffisant. Pour garantir l’atteinte des objectifs de décarbonation, un prix du carbone incitatif et une évaluation systématique du contenu carbone pour tous les choix en matière de consommation d’énergie, de la vie courante à l’action publique (achat d’une voiture, choix d’un équipement de chauffage, rénovation de bâtiments publics,…), est indispensable. En France, la RE 2020 a ouvert cette voie pour la construction neuve, de même la loi climat et résilience pour la rénovation énergétique des bâtiments. C’est ainsi que la pompe à chaleur va devenir le nouveau standard pour le chauffage et l’eau chaude. L’exemple français ne serait-il pas un exemple à reproduire dans toute l’Europe ?

La décarbonation suppose que l’ensemble des parties prenantes et en particulier les régions et les « territoires » unissent leurs forces. Comment imaginez-vous la mobilisation de ces acteurs régionaux ?

M. B. : Les territoires sont au coeur du plan de relance dont l’objectif est de redynamiser et transformer l’économie tout en réduisant les émissions de CO2. La mise en oeuvre de France Relance exige une accélération de ces efforts. Toutes les collectivités investissent dans l’efficacité énergétique des bâtiments, la production locale d’énergies, la mobilité électrique, l’efficacité énergétique de leurs aménagements urbains : autant d’actions qu’EDF et ses filiales accompagnent avec des solutions permettant de réduire l’empreinte carbone et la facture énergétique.

Marc Benayoun
Marc Benayoun
directeur exécutif Groupe EDF en charge du pôle Clients, services et territoires
PARTAGER CET ARTICLE