Faire appel à une entreprise ou à un artisan certifié RGE (Reconnu Garant de l’Environnement) pour réaliser des travaux de rénovation énergétique dans un logement ouvre droit à des aides publiques. Sur le papier, cette logique qualitative et incitative semble bonne puisqu’elle est censée lutter avec efficacité contre le réchauffement climatique, réduire la facture des utilisateurs et accroître leur confort. Dans les faits, ça cafouille et le label RGE est très controversé.
Le label RGE a été créé en 2011 par l’ADEME et le Ministère du Développement Durable. C’est un signe de qualité délivré à une entreprise qui remplit certains critères relatifs à la réalisation de travaux de rénovation énergétique dans les logements : volume d’activité de l’entreprise, obligations légales et administratives, compétences, recours à la sous-traitance, audit… Cinq organismes de qualification conventionnés par l’Etat sont en mesure d’attribuer la certification RGE aux entreprises de travaux ou aux artisans dans leurs domaines respectifs : Qualibat, Qualit’EnR, Qualifelec, Certibat et Cequami. Le label RGE s’applique aux travaux d’amélioration énergétique (isolation, menuiseries extérieures, chauffage) mais aussi à l’installation d’équipements utilisant une source d’énergie renouvelable. Pour le particulier, le recours à une entreprise RGE ouvre l’accès à certaines aides publiques : l’éco-prêt à taux zéro, le crédit d’impôt pour la transition énergétique (Cite) ainsi que certaines aides spécifiques octroyées par des collectivités locales.
Un progrès ?
Dans ses fondements, le label RGE est donc une avancée car il permet de différencier les entreprises de travaux qualifiées ou non et d’assurer un certain niveau d’exigence général. Pour Luc Baranger, représentant de Familles de France (1) auprès des acteurs de la filière électrique, « le label RGE constitue un progrès puisqu’il permet globalement aux consommateurs de bénéficier de devis et de propositions de travaux de meilleure qualité grâce à la mise en concurrence d’entreprises certifiées. Par ailleurs, les professionnels du bâtiment sont obligés de se former pour être en phase avec les réglementations énergétiques et environnementales afin d’obtenir le label RGE. Il s’agit donc d’un gage supplémentaire de professionnalisme et de connaissances. »
Cependant, le label RGE est critiquable et pourrait être amélioré. L’idée de ce label remonte au Grenelle de l’Environnement avec pour finalité, à l’époque, de pousser les professionnels à s’engager sur des performances et donc des résultats. Dans sa concrétisation, il s’avère contesté et décevant car l’engagement des entreprises porte sur les moyens mais pas sur les résultats.
Un manque de solutions globales et cohérentes
Dans une enquête de décembre 2016, l’association UFC-Que Choisir remettait en cause avec virulence l’efficacité du label RGE et des entreprises certifiées. Sur un panel de maisons mal isolées, seuls 9 % des artisans interrogés avaient effectué un diagnostic global prenant en considération les paramètres d’isolation, de ventilation et de production de chaleur. Selon UFC-Que Choisir, les entreprises n’apportent pas de solutions de rénovation globales, cohérentes et performante alliant isolation et production de chaleur. La baisse moyenne estimée de la consommation d’énergie suite aux travaux atteint seulement 27 %, très loin de l’objectif fixé par la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) : – 75 % sur l’ensemble du bâti résidentiel d’ici 2050. Les conclusions de l’enquête sont sans appel : devis imprécis, mauvaise qualité des travaux de rénovation, prix excessifs, aides oubliées, formation insuffisante des professionnels…la liste n’est pas exhaustive.
Lire l’enquête : Rénovation énergétique – Performance zéro des professionnels ! (source: UFC-Que Choisir)
UFC-Que Choisir se serait-elle montrée intraitable ? Pas si sûr… Fin janvier, la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) lui a emboîté le pas dans une enquête auprès de 360 professionnels dont les conclusions vont dans un sens similaire. 57 % des entreprises contrôlées ont été sanctionnées pour des pratiques commerciales douteuses : « devis incompréhensibles, crédits camouflés, labels de qualité mensongers, pressions pour conclure la vente sans délai, travaux bâclés », trouve-t-on dans le compte-rendu de l’enquête. La DGCCRF précise qu’il ne faut pas généraliser puisque les entreprises ciblées étaient pour la plupart déjà signalées. Mais elle souligne que le taux de pratiques frauduleuses est élevé sur le marché de la rénovation énergétique en comparaison à d’autres secteurs.
Lire l’enquête : Rénovation énergétique : gare aux escrocs ! (source: DGCCRF)
Une logique de spécialité inappropriée
Inciter à la réalisation de travaux de rénovation énergétique dans un tel contexte est bien compliqué. Pourtant, il s’agit d’un enjeu majeur en matière de réduction des émissions de CO2 et de transition énergétique. Alors pourquoi ces dysfonctionnements et comment y remédier ? Le label RGE est attribué par spécialité alors que la performance énergétique d’un logement ou d’un bâtiment est le fruit d’une approche globale. « Le plombier chauffagiste doit avoir une qualification pour tous types de chauffage et de production d’eau chaude pour être un meilleur prescripteur. L’artisan ou la petite entreprise de travaux sont généralement spécialisés et on leur demande une approche globale. Ouvrir les catégories du label RGE les unes aux autres nous paraît être une bonne piste d’amélioration. Une autre piste intéressante consisterait à faire intervenir un intermédiaire qualifié comme un architecte ou un bureau d’expertise qui mettrait à profit son expertise en amont et pendant les travaux », ajoute Luc Baranger.
Cet intermédiaire – architecte ou bureau d’expertise – pourrait assurer une approche transverse des chantiers. « Le label RGE donne aux artisans et aux entreprises de travaux une vision un peu plus globale qu’auparavant mais chacun reste quand même dans sa spécialité. L’architecte est RGE de fait. Il pourrait donc intervenir avec certaines de ses spécificités comme le diagnostic global qui permet de savoir d’où on part, où on va et de définir comment s’y prendre pour obtenir les meilleurs résultats possibles en termes de performance énergétique et environnementale », explique Michel Jarleton, délégué à la formation de l’Union Nationale des Syndicats Français d’Architectes (UNSFA) et chargé des questions liées à la transition énergétique. Un rôle d’assistance à la maîtrise d’ouvrage pourrait également être joué par un architecte sur les aspects complexes des chantiers, sans oublier un contrôle à la livraison des travaux pour rectifier le tir si besoin.
Revisiter les mécanismes réglementaires et incitatifs
Les lacunes du label RGE témoignent des lacunes de nombreux mécanismes réglementaires et incitatifs du secteur de l’énergie. A la veille de l’échéance présidentielle de mai, l’association Equilibre des Energies (EdEn) préconise vivement de les revisiter afin de s’assurer de leur compatibilité avec les objectifs généraux de réduction des consommations finales nettes d’énergie et des émissions de CO2. Les politiques menées au cours des dernières années dans le domaine du logement n’ont pas apporté la preuve de leur efficacité et de leur cohérence. Dans l’habitat existant, les consommations d’énergie et les émissions de CO2 ne régressent plus depuis 2010. C’est dire si la bonne volonté ne suffit plus !
(1) Familles de France est un mouvement d’utilité publique libre de tout lien politique, confessionnel et syndical dont le but est d’assurer la promotion et la défense de tous les intérêts des familles : politique familiale, éducation, consommation, logement, développement durable. Une chargée de mission est dédiée aux questions de logement et de développement durable.