Le réseau électrique joue un rôle majeur dans l’équation de la transition énergétique : toutes les sources de production et les sites de consommation y sont connectés, avec une exigence d’équilibre instantané qui n’existe dans aucune autre industrie. Hervé MIGNON, Directeur Développement Economique et Territoires de RTE, était avec nous le 25 novembre dernier pour nous parler des moyens mis en oeuvre par le réseau de transport électrique pour contribuer à la relance économique et anticiper la transformation des modes de production et de consommation de l’électricité.
C’est notre président Brice Lalonde qui ouvre cet atelier-débat en rappelant que le transport de l’électricité est au centre du système électrique et qu’il prend aujourd’hui une place toute particulière avec l’évolution de la production. Elle se décentralise, devient « smart » et doit aussi faire face à de nombreux risques nouveaux, tant climatiques qu’en matière de cybersécurité.
Notre invité du jour Hervé Mignon souhaite commencer par une présentation de RTE qui est en fait peu connu du grand public et revenir sur son implication dans l’évolution des politiques énergétiques et des attentes des acteurs territoriaux et économiques. Si le réseau de transport électrique est un objet en fait assez visible dans le paysage avec ses grands pylônes et ses lignes électriques réparties sur l’ensemble du territoire, son rôle et surtout les enjeux qui y sont liés sont moins évidents.
La feuille de route des grandes évolutions à venir en matière de politiques énergétiques est connue. Les réglementations comme la PPE prévoient une croissance de la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité, une réduction de la capacité nucléaire, un arrêt des centrales au charbon et le développement de nouveaux usages électriques notamment dans l’industrie ou la mobilité.
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Le débat public se concentre souvent sur ces questions de mix énergétique, très politiques, mais cela occulte une des particularités essentiel du secteur : c’est une industrie de réseau. Toutes les sources d’énergie et les moyens de consommation sont en effet reliés en permanence avec un enjeu crucial, celui de l’équilibre nécessaire entre l’offre et la demande qui ne se retrouve pas dans les autres secteurs.
Cette particularité à des conséquences importantes car modifier les sources de production change cet équilibre et nécessite des adaptations pour rendre le réseau capable de gérer ces changements. Lorsqu’on veut augmenter par trois la capacité de production des énergies renouvelables, lorsqu’on veut multiplier les capacités d’interconnexion avec les autres pays ou lorsqu’on veut développer la mobilité électrique il faut absolument se poser la question de l’évolution du réseau de transport d’électricité.
L’envergure de RTE impose de ne pas prendre ces évolutions à la légère : avec 100 000 kilomètres de lignes dont la moitié à haute tension et une commune sur deux concernée par le réseau RTE, les changements doivent se faire à une échelle importante. Ce maillage extrêmement fort du territoire permet en contrepartie à RTE d’assurer l’approvisionnement et la sécurité de cet approvisionnement dans l’ensemble du pays.
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Les défis de RTE
Pour Hervé Mignon, RTE fait aujourd’hui face à 3 grands défis :
- Tout d’abord, le développement des énergies renouvelables va grandement faire évoluer la répartition géographique des moyens de production. Ce n’est certes pas un enjeu souvent évoqué mais il est essentiel à prendre en compte car de nouveaux besoins en installation de transport dans des zones qui n’en avaient pas vont apparaitre (littoraux, campagnes venteuses, grands terrains ensoleillés, etc). De nouveaux types de flux de grande distance vont être nécessaires et cela va modifier la répartition actuelle du réseau sans compter les investissements qui vont devoir être faits pour développer les infrastructures.
- Le deuxième défi est celui de la variabilité à la fois de la production et de la consommation. Sur une même journée on peut avoir des influx importants de production selon les conditions météos et des pics de besoin de consommation selon les activités humaines. Tout l’enjeu pour RTE est d’arriver à concilier ces deux variabilités grâce notamment à de meilleurs prévisions des productions pour pouvoir garder l’équilibre du réseau en toute circonstance.
- Enfin le défi industriel pour adapter le réseau à ces changements et nouveaux flux. Par exemple, les besoins en terme d’interconnexions avec les pays voisins vont passer de 15GW actuellement à plus de 30GW d’ici 10-15 ans ou encore le raccordement des futurs parcs d’éolien offshore nécessitant des installations spécifiques et une infrastructure encore inexistante.
Le dernier point d’évolution que notre invité souhaite aborder est celui de la composante locale. Il rappelle en effet que l’évolution du réseau se fait sur des territoires et ne peut se faire qu’avec un lien fort entre RTE et les collectivités. Il est important alors de leur montrer l’intérêt de ces évolutions pour qu’elles soient mieux acceptées, d’autant plus que les politiques énergétiques se décentralisent également de plus en plus.
RTE est aussi un acteur qui contribue au développement économique et est en capacité d’aider les acteurs économiques et les territoires pour améliorer la performance des premiers et l’attractivité des deuxièmes. Plus de 500 sites industriels sont aujourd’hui directement raccordés au réseau RTE pour des besoins spécifiques qui équivalent à plus d’un tiers de la consommation électrique industrielle française. Ce critère d’alimentation électrique est aujourd’hui un des critères de choix pour l’installation d’industrie sur un territoire.
Le mot du président
Brice Lalonde se rappelle les « lignards » lors du passage au 220V, qui franchissaient les montagnes pour installer les nouvelles lignes. Une véritable « épopée du réseau » qui est devenue aujourd’hui extrêmement technique avec beaucoup de procédures et même une certaine défiance voire un rejet des lignes électriques par la population. Elles sont pourtant indispensables, d’autant plus avec le développement de l’électrification. C’est donc avec beaucoup de plaisir et d’intérêt que notre président note le soucis de RTE envers l’offre d’une énergie abondante, sûre et bon marché ainsi qu’envers l’attractivité de nos territoires.