Alors qu’à l’approche de l’hiver, le Médiateur national de l’énergie a dévoilé en ce début de trêve hivernale une étude éloquente sur le confort des Français, où on apprend que 30 % des personnes interrogées ont « restreint leur consommation de chauffage cette année afin de limiter leurs dépenses énergétiques » et que 15 % des Français ont déclaré « avoir souffert du froid dans leur logement l’hiver dernier », la précarité énergétique est plus que jamais d’actualité. Energivores, polluants et onéreux, les convecteurs électriques d’ancienne génération jouent un rôle majeur dans ce phénomène. La rénovation énergétique des bâtiments constitue donc un enjeu majeur de la transition énergétique, écologique et solidaire.
« La précarité énergétique intervient dans le cadre global de la précarité, c’est d’ailleurs un des derniers maillons de celle-ci. En effet, les foyers et les familles qui subissent la précarité énergétique ont eu et ont bien d’autres problèmes à affronter », explique Luc Baranger, référent Energie au sein de l’association Familles de France. Les populations des zones rurales peuvent être particulièrement touchées, notamment des personnes âgées, car beaucoup de maisons et d’immeubles y ont été construites dans les années 60 et 70. Les propriétaires ou les locataires dans les banlieues ou dans des villes moyennes vivant dans des logements similaires sont également largement concernés. « Les années 60-70 ont vu l’installation massive de convecteurs électriques qui ont mal vieilli et sont devenus des « grille-pains », véritables gouffres financiers pour les foyers. On continue à trouver ces convecteurs d’ancienne génération à bas prix dans les grandes surfaces de bricolage. Tant que ces équipements seront en vente dans ces commerces, on ne pourra en enrayer la diffusion. Pourtant, ils ne garantissent pas de confort, génèrent une surconsommation et donc de la pollution », ajoute Luc Baranger.
Contrairement à une idée reçue, les habitants de logements sociaux sont plutôt épargnés, surtout dans les constructions récentes. Les bailleurs sociaux font de gros efforts en matière notamment d’isolation extérieure.
L’énergie : « un bien de première nécessité »
« Selon l’INSEE, la précarité énergétique existe lorsque plus de 10 % des revenus sont consacrés à l’énergie pour le chauffage. Cela me semble être la bonne et la vraie définition. Selon l’INSEE, le nombre de ménages en situation de précarité énergétique avoisinerait les six millions selon des critères de coût, de besoins élémentaires et de conditions d’habitat. Le seuil de 10% des revenus consacrés au chauffage peut être vite atteint avec le nombre conséquent de passoires thermiques sur le territoire français qui consomment énormément d’énergies et qui s’avèrent néfastes en termes de santé et de bien-être », développe Philippe Christophe, Président de Synerciel.
Créée en 2010, Synerciel fédère près de 2500 professionnels du bâtiment autour de métiers orientés sur le confort et la performance énergétique, mettant en avant la qualité des travaux réalisés et du service proposé. Partenaire Solutions Habitat d’EDF, Synerciel est un réseau d’installateurs qualifiés qui interviennent sur tous types de travaux liés à la rénovation et la performance énergétique : plombiers, chauffagistes, fenêtriers, professionnels du bois, de l’isolation… « Il ne s’agit pas d’un label mais les critères d’agrément pour être adhérent Synerciel garantissent des travaux de qualité totalement orientés vers la satisfaction client dans un climat de confiance et de sérénité », précise Philippe Christophe.
Jean Gaubert, Médiateur national de l’Energie, alertait dans les colonnes du magazine EdEnmag de juillet 2018 sur le fait que « la lutte contre la précarité énergétique doit rester une priorité des pouvoirs publics. Dans un paysage énergétique appelé à évoluer radicalement, mon rôle est de rappeler que si l’énergie est un bien marchand, c’est aussi un bien de première nécessité. Les consommateurs en situation de précarité énergétique ne doivent pas être les oubliés des arbitrages économiques à venir. ».
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500 000 logements rénovés chaque année
Face à ces constats, la rénovation énergétique des bâtiments s’impose comme une urgence. Des efforts sont réalisés et des objectifs sont fixés. Sont-ils suffisants et à la hauteur de la situation ? Le secteur du bâtiment est en effet le plus énergivore avec 45 % de l’énergie finale consommée et est à l’origine de 27 % des émissions de gaz à effet de serre en France.
Fin avril, le gouvernement a présenté le plan de rénovation énergétique des bâtiments à l’issue. Comme le soulignait Nicolas Hulot, alors ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, « la concertation a permis de mobiliser tous les acteurs de la rénovation sur un objectif commun, la neutralité carbone en 2050, et de se fixer collectivement comme ambition la rénovation de 500 000 logements par an dont la moitié occupée par des ménages aux revenus modestes. »
La volonté et la prise de conscience sur la question de la précarité énergétique sont là. Avec ce plan, le Gouvernement semble vouloir faire de la rénovation énergétique une priorité nationale afin de réduire la consommation d’énergie et la facture de chauffage des Français, de lutter activement contre la précarité énergétique en accompagnant tous les ménages dans la rénovation de leur logement et d’améliorer leur confort.
Le Gouvernement débloquera plus de 200 millions d’euros dédiés à accélérer la mise en route du plan rénovation, notamment pour la formation des professionnels, l’aide aux précaires énergétiques et l’innovation, via les Certificats d’économies d’énergie (CEE). Au total, le plan représente environ 14 milliards d’euros de soutien public en investissement et en prime sur le quinquennat, complétés par plus de 5 milliards d’euros de certificats d’économie d’énergie directement utilisés pour financer le plan rénovation.
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En finir avec les « grille-pains »
Quelques réserves peuvent être émises. La plupart des mesures sont prévues au plus tôt en 2019, ce qui laisse peu de temps pour obtenir des résultats tangibles d’ici à la fin du quinquennat. Par ailleurs, les mesures annoncées s’inscrivent dans la continuité de tout le dispositif réglementaire mis en place depuis 2008, tant dans le neuf que dans l’existant, et dans la lignée de l’objectif dominant de réduction des consommations d’énergie primaire. Comment atteindre ainsi l’objectif de neutralité carbone pourtant clairement affiché ? La formulation de cet objectif avec comme référent l’énergie primaire ne privilégie pas les solutions décarbonées et ne permet pas de se dégager de la dépendance aux énergies fossiles.
L’association Equilibre des Energies (EdEn) préconise et agit auprès des pouvoirs publics et du secteur du bâtiment en faveur du remplacement des convecteurs électriques d’ancienne génération, « les grille-pains », par des radiateurs à haute performance énergétique visant à un confort optimal et à affiner la programmation et la régulation des consommations. Cela permettrait de réduire considérablement les consommations d’énergie et les appels de puissance en période de pointe et ouvrirait la voie aux technologies numériques dans des bâtiments connectés.
Laurent JACOTEY