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Convention citoyenne pour le climat : exercice démocratique ou exercice acrobatique ?

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En octobre 2019, à la demande du Premier ministre Édouard Philippe, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) était mise en place par le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Un an et demi après la création de la Convention, que faut-il retenir du rapport final et de cet exercice démocratique inédit ?

150 citoyens dans la peau du législateur

Pour la première fois, 150 citoyens tirés au sort ont été appelés à participer à la réflexion législative habituellement réservée au Parlement et au Gouvernement. L’objectif de cette assemblée était de proposer des mesures pour réduire d’ici 2040 les émissions de gaz à effet de serre issues des secteurs d’activité les plus polluants : les transports, le logement, l’agro-alimentaire, l’industrie et la consommation.

Tout d’abord, il faut souligner l’intérêt démocratique de cette initiative. Nous sommes tous menacés par le changement climatique et la réponse que nous devons y apporter ne pourra être efficace que si elle est le fruit d’un effort collectif, dépassant les intérêts particuliers et sectoriels. En ce sens, impliquer 150 citoyens dans la révision du cadre législatif pour l’énergie et le climat est un exercice républicain aussi intéressant que novateur.

Les citoyens tirés au sort ont ainsi pu découvrir la réalité de l’exercice législatif, à la fois dans ce qu’il apporte de satisfaisant – la possibilité de contribuer à l’émergence d’un monde plus durable – et dans ce qu’il comporte de plus laborieux : l’obligation de composer avec un enchevêtrement de lois préexistantes et la difficulté de traduire en des termes concrets et applicables des principes qui semblaient naturels au premier abord.

Les 150 ont aussi pu se rendre compte par eux-mêmes de la valeur du conseil que peuvent apporter les associations et les représentants du tissu économique pour accompagner l’élaboration de nouvelles mesures. Souvent réduits au rôle de lobbyistes, les représentants des acteurs économiques et les think tanks permettent en réalité d’approfondir la compréhension technique des secteurs sur lesquels on entend légiférer. C’est dans le croisement de leurs points de vue et de leurs recommandations que le législateur – en l’occurrence le législateur citoyen – peut trouver un équilibre permettant de faire émerger une économie plus durable.

Des propositions qui manquent toutefois d’équilibre

Face à cet exercice complexe et novateur, beaucoup ont émis des doutes quant à la qualité des propositions qui pourraient émerger de la Convention citoyenne.

Tout en reconnaissant le travail fourni, tant du côté des 150 que des organisateurs de la Convention, il faut admettre que les propositions émises ne semblent pas être appelées à changer la face de l’action climatique française.

En effet, beaucoup d’entre elles jouent la carte de la surenchère et de l’écologie punitive, sans prendre en compte les réalités économiques des acteurs concernés. La proposition d’augmenter le montant de l’éco-contribution kilométrique pour le secteur aérien est représentative de cette tendance. A l’heure où les transports aériens sont aux abois après plusieurs mois de crise sanitaire, accroître encore le montant des taxes auxquelles ils sont soumis revient ni plus ni moins à jouer avec la survie de ce secteur et avec celle des emplois qu’il représente. La proposition visant à contraindre les propriétaires occupants et bailleurs de rénover leurs biens de manière globale participe aussi de cette logique punitive et déconnectée des enjeux économiques. Compte tenu du coût moyen de la rénovation globale d’une maison individuelle – environ 50 000 euros –, une telle obligation est impossible à mettre en oeuvre pour une grande partie des propriétaires qu’ils soient occupants ou bailleurs. Elle a de ce fait peu de chance de contribuer à une réelle amélioration de la qualité du bâti.

Lire aussi : La rénovation énergétique des logements : jusqu’où aller et comment ?

D’autres propositions de la Convention sont au contraire restées au stade de voeu pieu car non assorties de mesures concrètes. Exhorter les particuliers à changer en profondeur leurs comportements et à réduire leurs consommations d’énergie aura peu de chance d’aboutir à un résultat probant, tout comme la proposition d’inciter à limiter l’utilisation du chauffage et de la climatisation. Les 150 ont pu découvrir que trouver le juste équilibre entre flexibilité et contrainte légale est un exercice des plus délicats.

Il ne faut toutefois pas noircir excessivement le tableau : le rapport de la Convention comporte certaines propositions judicieuses qui permettent de combler les lacunes de la législation existante ou de favoriser l’émergence de projets législatifs déjà en cours. On peut saluer à ce titre les propositions visant à limiter l’artificialisation des sols : il s’agit en effet d’un enjeu majeur pour la préservation de l’environnement qui est aujourd’hui encore peu abordé dans la législation. En ce sens, qu’elles soient ou non adoptées et mises en oeuvre, les propositions de la Convention sur le sujet permettent d’ouvrir un débat nécessaire. En ce qui concerne la proposition de réduire la consommation en énergie fossile des navires à quai en favorisant leur alimentation en électricité, elle conforte une réflexion déjà en marche au sein du ministère et permet d’en accélérer l’aboutissement.

La balle est dans le camp des pouvoirs publics

Il y a peu de doute que les propositions qui rejoignent des projets existants du ministère seront effectivement adoptées et appliquées. Les modalités de mise au vote pour les autres propositions ne sont quant à elles toujours pas clairement définies.

Lors de son discours le 29 juin dernier devant les membres de la Convention citoyenne, le président de la République s’était accordé trois « jokers », c’est-à-dire trois propositions qu’il choisissait de ne pas retenir parmi 149 formulées par la Convention. À ces trois premiers jokers (la limitation à 110 km/h sur autoroute, la taxe sur les dividendes, l’amendement du préambule de la Constitution), de nouveaux jokers semblent devoir s’ajouter prochainement sur des sujets tels que :

  • le moratoire sur la 5G ;
  • l’éco-contribution appliquée au secteur aérien qui reviendrait selon le ministre des Transports, Jean- Baptiste Djebbari à « achever un secteur déjà à terre ».

Le sort des propositions qui ne sont pas à ce jour écartées n’est pas beaucoup plus clair. Une partie, environ un tiers, devra figurer dans le projet Convention citoyenne qui doit être discuté à l’Assemblée nationale début 2021. Pour savoir ce qu’il adviendra des deux tiers restants, il faudra suivre assidûment les réunions du Conseil de défense écologique, les projets de loi de finances et les négociations internationales.

Il ne fait aucun doute que les propositions de la Convention ne sont pas toutes appelées à être adoptées, a fortiori dans le contexte de crise que nous connaissons, et il est même probable que seule une minorité d’entre elles fasse un jour partie du droit français. Toutefois, il faut saluer cette démarche novatrice qui aura permis aux citoyens de mieux connaître et de s’exprimer sur de nombreuses problématiques essentielles à la transition énergétique.

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