Soucieuse d’engager les acteurs de la finance dans le projet de transition énergétique et de croissance verte, la Commission européenne a adopté en 2020 un règlement établissant un cadre pour favoriser les investissements durables, dit « règlement sur la taxonomie verte ». Ce règlement sur la taxonomie n’est en fait que la première pierre d’un grand projet de classification des activités économiques dont les ramifications seront intégrées à l’ensemble du cadre énergie-climat européen.
Qu’est-ce que la taxonomie ?
Le règlement sur la taxonomie verte établit un classement des activités économiques pouvant être considérées comme durables sur le plan environnemental et fixe des règles de transparence obligeant les acteurs des marchés financiers à publier la part des produits financiers durables qu’ils détiennent.
Afin de déterminer quelles activités peuvent être qualifiées de durables, la taxonomie se fonde sur six objectifs environnementaux définis dans le règlement et sur un ensemble de critères sectoriels définis par des actes délégués visant à évaluer à quelles conditions il peut être considéré que chacun des secteurs étudiés contribue aux objectifs.
Si le règlement en lui-même ne fixe qu’une obligation de transparence des acteurs financiers, la Commission a indiqué son intention d’y adosser de futurs textes européens, comme elle l’a déjà fait dans le règlement établissant la facilité pour la reprise et la résilience. Ce dernier règlement, par lequel sont fixées les conditions de la distribution aux États membres des fonds européens de relance, fait ainsi directement référence à la taxonomie en en reprenant les six objectifs environnementaux et en excluant les activités causant un « préjudice significatif » à l’un de ces objectifs.
Cette possibilité d’intégrer des éléments de la taxonomie à de futurs textes confère au règlement une dimension éminemment stratégique. Elle conduira à terme à créer une situation dans laquelle les investissements reconnus comme durables seront avantagés et les investissements non reconnus seront, par contraste, découragés.
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Une classification fondée sur des objectifs environnementaux
Le système de classification de la taxonomie repose sur l’instauration de six objectifs environnementaux définis dans le règlement :
- l’atténuation du changement climatique ;
- l’adaptation au changement climatique ;
- l’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines ;
- la transition vers une économie circulaire ;
- la prévention et la réduction de la pollution ;
- la protection et la restauration de la biodiversité.
Pour qu’une activité économique soit considérée comme durable sur le plan environnemental, elle doit apporter une « contribution substantielle » à au moins l’un de ces objectifs et ne causer de « préjudice significatif » à aucun d’entre eux.
En plus des activités répondant à ces conditions, le règlement permet de faire entrer dans la catégorie des activités durables les activités dites de transition, c’est-à-dire celles qui permettent la décarbonation progressive des secteurs économiques où il n’existe pas encore de solutions de remplacement sobres en carbone.
Les activités qui permettent directement à d’autres activités d’apporter une contribution substantielle à l’un de ces objectifs, comme la fabrication d’éoliennes, sont également considérées comme durables dans le cadre de la taxonomie.
Un ensemble de critères sectoriels définis par actes délégués
En complément des objectifs environnementaux définis dans le règlement sur la taxonomie, des actes délégués – comparables aux décrets français – sont pris par la Commission afin de fixer les critères qui seront appliqués à chaque secteur économique pour déterminer s’ils contribuent ou causent préjudice aux différents objectifs.
Le premier de ces actes délégués a été publié en avril 2021 et fixe des critères relatifs aux deux premiers objectifs, l’atténuation du changement climatique et l’adaptation au changement climatique.
Cet acte délégué concerne neuf secteurs d’activités identifiés par la Commission comme étant ceux dont la contribution potentielle à ces deux objectifs est la plus importante :
- l’agriculture et l’activité forestière ;
- les activités de protection et de restauration de l’environnement ;
- activités de production industrielle ;
- le secteur de l’énergie ;
- l’approvisionnement en eau, la gestion des déchets et l’assainissement ;
- les transports ;
- les activités de construction et d’immobilier ;
- l’information et la communication ;
- les activités professionnelles, scientifiques et techniques.
D’autres activités économiques seront intégrées à l’occasion de la publication de futurs actes délégués, qui devraient être adoptés d’ici la fin 2021, et à l’occasion de la révision périodique des actes délégués adoptés.
Le secteur du nucléaire et la filière du gaz font partie des secteurs dont l’inclusion – ou l’exclusion – de la taxonomie est encore en suspens.
En ce qui concerne le nucléaire, la Commission a décidé, compte-tenu de la sensibilité du sujet, de confier l’évaluation de sa compatibilité aux experts du Joint Research Center (JRC). Le rapport du JRC paru en mars 2021 se prononce pour l’inclusion du nucléaire au titre qu’il ne présenterait pas de risque accru pour la santé humaine ou l’environnement par rapport aux autres technologies de production de l’électricité. Ce rapport est désormais soumis pour une durée de trois mois à deux comités d’experts, avant que la Commission ne rende sa décision finale.
En ce qui concerne la filière du gaz naturel, alors qu’elle était incluse dans le projet initial d’acte délégué, elle ne figure finalement pas dans le texte publié le 21 avril dernier. Comme le nucléaire, le sort de la filière gaz dans le règlement taxonomie fera l’objet d’un acte délégué spécifique qui devrait être adopté au 4e trimestre 2021.