En poursuivant votre navigation, vous acceptez l'utilisation de cookies pour mesurer l'audience de notre site.
FERMER

Déploiement du CCUS : un cadre européen émergent en passe d’évolution  ?

Par le

En février dernier, la Commission indiquait dans sa communication “Objectif climatique de l’Europe pour 2040” que le cadre législatif actuel devrait permettre de réduire de 88 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040. Elle estime que les 2 % additionnels, nécessaires pour atteindre l’objectif 2040 de -90 % d’émissions, comparé aux niveaux de 1990, pourraient provenir du captage et du stockage du CO2. En parallèle, elle publie une stratégie pour la gestion industrielle du carbone, la communication « Vers une gestion industrielle du carbone ambitieuse pour l’UE » , dans laquelle elle recommande, pour atteindre la neutralité carbone, de capter environ 280 millions de tonnes de CO2 d’ici à 2040 et 450 millions de tonnes d’ici à 2050. Dans ce contexte, la contribution  de la gestion industrielle du carbone au projet de décarbonation suscite un intérêt croissant.

La gestion industrielle du carbone, ou CCUS: de quoi s’agit-il ? 

La gestion industrielle du carbone, aussi appelée CCUS, acronyme anglais qui signifie Carbon Capture, Utilisation and Storage, désigne un ensemble de technologies qui visent à capter les émissions de dioxyde de carbone (CO2) pour soit les injecter et les stocker dans des formations adaptées (Carbon Capture and Storage – CCS), soit l’utiliser comme ressource dans la fabrication de produits (Carbon Capture and Utilisation – CCU). 

La gestion industrielle du carbone se décompose donc en plusieurs étapes, qui forment la chaîne de valeur du CO2:

  • Le captage du CO2, généralement sur un site industriel. Plusieurs technologies avec des niveaux de maturité différents existent (voir notre étude sur le captage, stockage et la valorisation du CO2).
  • Le transport du CO2 vers les lieux de stockage ou d’utilisation, par canalisations, bâteaux ou de manière plus rare en trains et camions (pour des quantités limitées). 
  • Le stockage du CO2 par le biais de son injection dans des structures fermées de bassins sédimentaires ou dans d’anciens gisements d’hydrocarbures déplétés.
  • La valorisation du CO2 pour la fabrication de produits (carburants de synthèse, plastique, béton etc.)

La Commission dans sa communication « Vers une gestion industrielle du carbone ambitieuse pour l’UE » identifie les technologies suivantes: 

  • Le captage et le stockage du CO2 d’origine industrielle (Carbon capture and storage, CCS) ;
  • L’absorption du carbone présent dans l’atmosphère, par stockage du carbone d’origine biogénique (BioCCS) ou du carbone capté directement dans l’atmosphère (DACCS) ;
  • Le captage et l’utilisation du CO2 capté (Carbon capture and utilisation, CCU), par exemple pour la production de carburants de synthèse.

Le CCUS, un levier de décarbonation

Longtemps considérée par la Commission comme levier secondaire de la stratégie de décarbonation européenne, la gestion industrielle du carbone suscite un intérêt renouvelé depuis 2021 avec tout d’abord la création du Forum sur la gestion industriel du carbone, puis la mise en place d’un groupe d’experts sur le stockage géologique de CO2 en septembre 2023 et enfin la publication de la stratégie sur la gestion industrielle du CO2 en février 2024. 

Au sein des cercles académiques et politiques européens, le potentiel de décarbonation de la gestion industrielle du carbone est aujourd’hui admis, notamment pour décarboner les processus industriels des secteurs à forte consommation d’énergie et aux émissions résiduelles inévitables, comme dans le secteur du ciment.

Le cadre européen 

La directive 2009/31/CE relative au stockage géologique du CO2 , dite “directive CCS”, est l’une des premières initiatives européenne à traiter de la question de la gestion du carbone. Elle établit un cadre juridique pour le stockage géologique du dioxyde de carbone (CO2) et fixe des règles en matière d’octroi de permis pour garantir la sécurité et l’intégrité environnementale du stockage de carbone. 

Ce cadre législatif a été complété en 2024 par le règlement « établissant un cadre de certification de l’Union relatif aux absorptions de carbone », mettant en place un cadre volontaire de l’Union pour la certification des absorptions de carbone permanentes et des réductions des émissions des sols. 

En parallèle, l’UE a adopté des mesures permettant d’inciter directement ou indirectement le déploiement de projets de captage, stockage ou utilisation du carbone, dont:

  • Le règlement NZIA (mai 2024), qui facilite et soutient le déploiement de 19 catégories de technologies propres dont les technologies de captage et de stockage du carbone (CCS), les technologies industrielles de transformation à des fins de décarbonation et les technologies de transport et d’utilisation du CO₂ ;
  • La réforme du Système d’échange des quotas d’émission carbone (2023), qui incite de manière indirecte aux activités de gestion du carbone, notamment via l’inclusion des secteurs à forte consommation d’énergie afin de favoriser les investissements dans des solutions de décarbonation, ainsi que la suppression des quotas gratuits pour l’aérien afin de favoriser l’introduction de solutions SAF et carburants de synthèse. Mais le prix actuel du quota carbone, environ 63 euros/ t de CO2 en septembre 2024, reste pour l’instant insuffisant pour qu’il soit plus avantageux d’investir dans un dispositif CCS, pour les industries lourdes, ou dans des carburants de synthèse, pour le secteur aérien, que d’acheter des quotas.

Le cadre européen pour le développement de la filière CCUS reste à l’heure actuelle très émergent au regard de la contribution qui peut être attendue de ces technologies pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Union. C’est la raison pour laquelle la Commission prévoit de développer ce cadre au cours de la prochaine mandature, comme elle l’indique dans sa communication  « Vers une gestion industrielle du carbone ambitieuse pour l’UE ». Dans ce texte, la Commission propose des pistes de réflexion et des mesures visant à développer les différents maillons de la chaîne de valeur du CO2 – captage, transport, stockage et utilisation – et à répondre aux enjeux industriels et financiers qui constituent à l’heure actuelle des freins au développement de la filière. 

La discussion concernant ces différentes propositions et l’adoption par le Conseil et le Parlement des mesures qui seront retenues pour le développement de la filière du carbone constitueront un volet important des négociations de cette nouvelle mandature.

PARTAGER CET ARTICLE