Dans le contexte du Fit for 55, le projet de révision de la directive EPBD sur la performance énergétique des bâtiments marque une prise de conscience par la Commission européenne de l’enjeu de la réduction des émissions de CO2. Toutefois, le chemin est encore long avant que ce principe devienne réalité.
La révision de l’EPBD ne faisait pas partie du package Fit for 55 mis en circulation par la Commission le 14 juillet 2021. En réponse aux demandes des parties prenantes, dont Équilibre des Énergies, qui soulignaient la contribution importante du secteur de bâtiment aux émissions de GES de l’Union, un projet de texte a finalement été publié en décembre 2022, texte qui vient lui-même d’être amendé dans le projet de directive REPowerEU faisant suite au déclenchement de la guerre en Ukraine.
Le projet de nouvelle EPBD introduit des modifications substantielles par rapport à la directive actuelle. Contrairement aux projets de textes publiés en juillet 2021 qui reposent sur les priorités habituelles de la Commission – en particulier le fameux principe « Energy efficiency first », la proposition de révision de l’EPBD intègre davantage l’objectif de réduction des émissions de GES.
Des améliorations restent cependant indispensables pour permettre à la directive de contribuer pleinement à la stratégie européenne de décarbonation.
1. La guerre en Ukraine renforce la nécessité d’affirmer la réduction des émissions de GES comme objectif primordial de la politique européenne
Les émissions de gaz à effet de serre constituent le marqueur le plus clair de la dépendance de l’Europe vis-à-vis des combustibles fossiles, en particulier du gaz russe. L’impératif climatique est aujourd’hui totalement en ligne avec l’impératif politique.
La réduction des émissions doit donc résulter de la combinaison :
- d’une réduction des consommations d’énergie ;
- d’une migration vers des filières énergétiques décarbonées.
Parvenir à l’indépendance énergétique nécessite de réduire la quantité physique d’énergie fossile consommée dans l’UE, alors que la Commission persiste à vouloir mesurer la performance énergétique des bâtiments en énergie primaire. Le critère énergie primaire a en particulier conduit à encourager la consommation de gaz dans les bâtiments car le gaz est associé à un facteur d’énergie primaire plus favorable que l’électricité bas carbone.
L’UE doit prendre conscience du caractère inapproprié du critère énergie primaire et y renoncer aussi bien dans l’EPBD que dans l’EED (directive sur l’efficacité énergétique).
2. Les fondements des feuilles de route nationales menant à la neutralité carbone en 2050 doivent être renforcés
Si la proposition EPBD fixe un objectif très ambitieux en imposant que le statut « bâtiments à zéro émission » soit atteint par tous les bâtiments neufs d’ici 2030 puis par tous les bâtiments d’ici 2050, elle laisse cependant aux États membres le soin de définir leurs feuilles de route pour atteindre cet objectif. Équilibre des Énergies estime que, compte tenu de l’urgence de la situation, le passage à une énergie bas carbone dans les bâtiments doit être initié sans tarder. Il faut pour cela :
- que les méthodes de calcul de la performance énergétique des bâtiments définies à l’annexe I du projet intègrent dès aujourd’hui et de façon prescriptive les émissions de GES en tant que critère de détermination de la classe de performance. Ces émissions doivent être déterminées en exploitation et aussi, dès que les méthodologies seront suffisamment fiabilisées, en cycle de vie ;
- que les règles de construction des bâtiments neufs ou en rénovation profonde imposent un niveau minimal de performance intégrant le critère « émission de GES » ;
- que les systèmes techniques de bâtiments (i. e. les installations thermiques) aient l’obligation de respecter des critères minimaux d’émission de GES.
3. Le concept de zero-emission building doit intégrer le fait que la quasi-totalité des bâtiments seront raccordés aux réseaux et a minima au réseau électrique
Dans le texte proposé, les bâtiments à zéro émission sont définis comme des bâtiments « où la très faible quantité d’énergie encore nécessaire est entièrement couverte par de l’énergie provenant de sources renouvelables locales, d’une communauté d’énergie renouvelable ou d’un système performant de chauffage et de refroidissement urbain ». Cette disposition n’est pas réaliste car il restera nécessaire que la quasi-totalité des bâtiments soient raccordés aux réseaux d’énergie afin d’assurer la sécurité énergétique et la continuité d’approvisionnement.
EdEn recommande de modifier la proposition EPBD afin qu’en plus des sources d’énergie actuellement citées, la consommation des bâtiments zéro émission, ou de façon plus réaliste « presque zéro-émission », puisse également être couverte par des réseaux d’énergie bas carbone (électricité, gaz ou chaleur).
Les réseaux d’énergie bas carbone pourraient être définis comme des réseaux dont le contenu carbone serait égal ou inférieur à un plafond défini au niveau national selon une trajectoire conduisant en 2050 à un plafond maximal de 50 g de CO2eq/kWh. Dans les cas où le contenu carbone de l’énergie fournie par un réseau dépasserait ce plafond, les plafonds de consommation énergétique associés aux plafonds d’émission dans la définition des classes de performances seraient réduits proportionnellement.
4. La rénovation des bâtiments existants est essentielle mais coûteuse, c’est pourquoi l’approche par étapes devrait être encouragée afin de mettre en oeuvre rapidement les mesures les plus efficaces sur le plan des émissions
Le projet EPBD tend à prioriser les rénovations globales (deep renovation). La rénovation globale est évidemment souhaitable sur le plan théorique mais se heurte à un problème majeur de financement. Équilibre des Énergies estime que la rénovation par étapes, en commençant par les mesures les plus efficaces sur le plan des émissions de GES, doit tout autant être encouragée, compte-tenu du fait que la réduction des émissions cumulées de GES à horizon 2050 doit être l’objectif premier des stratégies de rénovation, ce qui implique, compte tenu des contraintes budgétaires, que l’on procède le plus vite possible aux opérations les plus efficaces.
5. Les dispositions relatives aux infrastructures de recharge pour la mobilité électrique devraient être renforcées
Équilibre des Énergies soutient sans réserve les dispositions du projet visant à renforcer l’équipement en infrastructures de recharge des bâtiments neufs et des bâtiments existants.
Elle estime que les obligations d’équipement minimal pourraient être renforcées dans les parkings des bâtiments à usage non résidentiel, neufs ou existants et que, dans les bâtiments à usage d’habitation, un « droit à la prise européen » devrait être instauré.
6. Les dispositions relatives aux capacités numériques des bâtiments devraient être renforcées
Équilibre des Énergies considère que la gestion des énergies, avec l’optique de favoriser le développement des énergies renouvelables et de limiter les appels de puissance à la pointe, est un impératif essentiel. Dans le cas des bâtiments, cela devrait se traduire par des incitations fortes, voire des obligations, à installer des dispositifs permettant :
- d’assurer la régulation et la programmation (locale ou à distance) des installations ;
- la mise en oeuvre des flexibilités offertes par les bâtiments, en interaction avec le réseau électrique.
Équilibre des Énergies considère que le projet EPBD est insuffisamment volontariste sur ce point et qu’en particulier l’application de la composante « flexibilité » du SRI (Smart Readiness Indicator) pourrait être rendue obligatoire aux bâtiments résidentiels dès le 31 décembre 2027 au-dessus d’un seuil de puissance à définir.