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Centrales solaires au sol : concilier les ambitions de la transition énergétique avec un développement territorial harmonieux

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Capables de produire une électricité compétitive avec des volumes conséquents et un rythme de déploiement soutenu, les centrales solaires au sol sont un fer de lance de la transition énergétique. Il est prévu de multiplier par quatre le rythme annuel de leurs mises en service, un déploiement qui suscite des questions qu’il convient de ne pas éluder.

Des objectifs ambitieux…

L’électricité solaire photovoltaïque est à l’origine d’un bouleversement dans le monde de l’énergie. Encore anecdotique voici seulement 10 ans, elle a représenté en 2020 près de la moitié des nouvelles capacités de production électrique raccordées dans le monde, avec environ 118 GWc. En 2021, ce chiffre pourrait atteindre 158 GWc (1).

En France, la loi pour la transition écologique et la croissance verte prévoit que les énergies renouvelables représenteront 40 % du mix électrique d’ici 2030. Déclinaison réglementaire de ce texte, la Programmation pluriannuelle de l’énergie fixe des objectifs ambitieux pour l’énergie solaire photovoltaïque : assurer 10 % de la production électrique française, avec une capacité installée totale de 44 GWc en 2028, contre 10 GWc en 2020. Ces volumes se répartissent entre les différentes typologies possibles d’installations solaires : centrales au sol, toitures, ombrières de parking, serres agricoles, centrales flottantes, etc.

… Mais un cheminement administratif trop long

Atteindre de tels objectifs suppose de réunir plusieurs facteurs : disponibilité du foncier, visibilité sur les conditions économiques de valorisation de l’électricité, stabilité du cadre réglementaire, accessibilité des financements, etc. L’une des conditions les plus importantes est de pouvoir obtenir les autorisations administratives nécessaires dans un délai suffisamment court pour être compatible avec les ambitions affichées et ne pas constituer un obstacle dissuasif pour les acteurs qui entreprennent de développer des projets.

Or la situation française conduit à dresser un constat préoccupant. Le temps nécessaire pour obtenir toutes les autorisations d’un projet est beaucoup plus élevé que chez nos voisins européens : il atteint aujourd’hui une durée moyenne de trois ans contre à peine plus d’un an en Allemagne. Tel est le paradoxe de ces projets de production d’énergie solaire : même s’ils sont reconnus comme priorité nationale, tout semble être mis en oeuvre pour ralentir leur déploiement.

Les facteurs explicatifs sont connus : lourdeur et complexité des procédures, superposition de strates administratives, empilement de documents de planification entrainant des difficultés d’articulation et de coordination, multiplicité grandissante d’injonctions contradictoires, dilution des responsabilités décisionnelles, manque d’effectifs et de moyens parmi les services instructeurs, etc.

Trois directions à suivre

Si elle veut atteindre ses objectifs, la France devra adapter son arsenal législatif, réglementaire et administratif pour lever les freins qui entravent la délivrance des autorisations, sans pour autant ouvrir la voie à une forme de développement non contrôlé qui verrait l’énergie solaire prendre le pas sur les autres considérations (paysages, biodiversité, patrimoine, etc.). La principale urgence est de remettre les services instructeurs à l’échelon local en capacité de faire face aux injonctions contradictoires auxquelles ils sont soumis et de décider de la délivrance des autorisations requises pour chaque projet.

En second lieu, les règles doivent mieux prendre en compte la spécificité, la réversibilité et le caractère limité de l’impact des installations solaires. Compte tenu de la priorité nationale qui leur est reconnue, elles pourraient prétendre à un cadre « adapté » assorti d’un ajustement proportionné de certaines procédures.

Enfin, en troisième lieu, il convient de s’assurer que l’énergie solaire demeure compatible avec les enjeux de protection des paysages, de sauvegarde de la biodiversité, de lutte contre l’artificialisation des sols ou de conflit d’usage avec le monde agricole.

L’impact paysager peut être limité en privilégiant les installations « à taille humaine », en respectant les préconisations des études d’impact ou en instaurant des mesures d’atténuation telles que la mise en place de haies paysagères qui suffisent à masquer l’essentiel d’une centrale solaire. Jusqu’à présent l’énergie solaire s’est plutôt bien intégrée dans les territoires sans susciter d’opposition notable, étant au contraire considérée comme l’énergie préférée des Français (2). La maitrise de la taille des projets constitue un enjeu important pour le maintien de cette acceptabilité. Les très grandes centrales, supérieures à 30 MW soit environ 30 ha, ne devraient être développées que sur des terrains dégradés sans enjeux paysagers.

Centrale solaire de Sourdun (ancienne base militaire reconvertie). © GDS.

Les risques d’artificialisation des sols et de fragilisation de la biodiversité ne sont pas ignorés par la filière. L’utilisation des sites dégradés est privilégiée via un système de bonification dans les appels d’offres de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Si la mobilisation d’autres terrains, notamment naturels, est nécessaire, la forte réversibilité des installations solaires permet au terrain de pouvoir retrouver quasiment tout son potentiel initial à l’issue de la durée de vie du projet (de l’ordre de 40 ans). Plusieurs études montrent même que les centrales solaires peuvent dans certaines conditions constituer des havres de biodiversité (3).

Enfin, la compétition sur les terres agricoles est un enjeu considérable pour lequel il ne saurait exister de réponse unique applicable à tous les cas et qui nécessite un traitement très particulier en concertation avec les chambres d’agriculture et les services déconcentrés. Il ne s’agit pas d’empêcher le monde agricole de bénéficier des retombées liées à l’énergie solaire alors qu’ils ont besoin de revenus complémentaires, mais de s’assurer que cela ne se fait pas au détriment de la production agricole et ne crée pas de déséquilibres sociologiques localement. L’une des réponses possibles, actuellement en cours de développement par la filière photovoltaïque, repose sur les technologies dites de « l’agrivoltaïsme » que la CRE définit comme le « couplage d’une production photovoltaïque secondaire à une production agricole principale en permettant une synergie de fonctionnement démontrable ».

Une contribution importante à l’économie locale

Les centrales au sol peuvent apporter une contribution importante à l’économie locale des territoires au travers des recettes de l’IFER, de la location des terrains communaux ou de la création d’emplois locaux (notamment dans la maintenance des centrales). Ainsi, une centrale solaire au sol d’une surface de 20 ha génère des revenus fonciers de l’ordre de 100 k€/an et des recettes d’IFER de 65 k€/an. Ces montants cumulés représentent une contribution très significative au budget d’une petite commune.

Pour figurer parmi les piliers de notre politique climatique, le développement de l’énergie solaire devra se poursuivre à un rythme et dans des conditions économiques compatibles avec les attentes fixées par la loi. Cela rend incontournables les centrales au sol, sous réserve de veiller à leur intégration harmonieuse. La filière et les pouvoirs publics doivent travailler ensemble pour relever ce défi.

Lire aussi : De nouveaux contrats de fourniture pour une électricité verte et locale

(1) Source : IHS Markit (https://www.pv-magazine.fr/2020/12/21/158-gw-de-nouvelles-capacites-pourraient-etre-installees-en-2021-selon-ihs-markit/)
(2) Source : sondage IFOP (https://www.ifop.com/publication/les-francais-et-le-photovoltaique/)
(3) Voir notamment l’étude du BNE (en allemand) : https://www.bne-online.de/de/news/detail/studie-photovoltaik-biodiversitaet/ .

Daniel BourDaniel Bour
président d’ENERPLAN

Antoine HuardAntoine Huard
président de France Territoire Solaire
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