Notre association EdEn participait à la modération du débat “L’avenir énergétique : cartes sur table”. Voici les principales idées échangées et les messages clés de M. Joel de Rosnay (voir video) qui appelait ses concitoyens à devenir maître de leur besoin énergétique et non plus soumis à des lobbies qui imposent des solutions déséquilibrées.
Le 24 mai 2012 avait lieu à l’ENA le colloque « Un nouveau regard sur l’énergie ». Plusieurs acteurs du secteur ont ainsi eu l’occasion de s’exprimer lors de débats autours de deux autres thématiques : “L’énergie face aux enjeux internationaux” et “La politique et l’énergie en France”. Au moment où la presse titrait le mois dernier sur la disparition du chauffage électrique dans les immeubles collectifs au bénéfice du gaz importé, ces débats me semblent d’une grande actualité.
Mme. Sophie Menthon, Présidente d’ETHIC et organisatrice, a tout d’abord introduit le colloque en dénonçant un débat actuel sur l’énergie trop « partisan », proposant ainsi pour cette rencontre, des échanges sans parti pris.
D’après Joël de Rosnay, scientifique et Président Exécutif de Biotics International, la solution de l’énergie du futur se trouve dans « la démocratie énergétique ». Pour ce dernier, nous sommes encore loin d’une démocratie, puisque assistés et soumis par des lobbies pétroliers et nucléaires attachés au pouvoir politique.
« La combinaison des énergies renouvelables connectée à des moyens de stockage et à des réseaux intelligents de distribution est la voie de l’avenir. » Il faudrait ainsi mixer les trois E : Economie d’énergie, Efficacité énergétique, Energie renouvelables; avec les énergies classiques et nucléaires afin de laisser progressivement place à une énergie responsable. Il est également important pour Joël de Rosnay, que la France ait une vision plus modulaire et moins pyramidale de l’énergie pour trouver l’équilibre et sortir progressivement du tout nucléaire. « Nous allons vers une société du Peer to Peer énergétique, un Internet de l’énergie où les gens pourront produire, échanger et se vendre de l’énergie ensemble. C’est comme cela que nous créerons une démocratie énergétique débarrassée des lobbies. »
L’avenir énergétique : carte sur table
Pour Jean-Marie Chevalier, Senior Associé au CAMBRIDGE ENERGY RESEARCH ASSOCIATES et Professeur à Paris Dauphine, nous pouvons tout de même constater d’importantes évolutions. Désormais, les collectivités locales et les citoyens jouent par exemple un rôle primordial dans la transformation énergétique. Nous passons d’une logique « Top Down » (de haut en bas) à une logique « Bottom Up ».
Michel Derdevet, Maître de conférence à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, souligne également l’aspect « humain » de cette transition. L’énergie devient « un sujet révolutionnaire, car il s’agit de transformation fondamentale de la société, notamment en terme de solidarité ». Il est évident que si toute la planète consommait autant d’Energie que l’Europe et les Etats-Unis, nous serions dans une situation des plus critiques. Si l’énergie est indispensable au développement, il est important que tout le monde s’implique afin de trouver l’équilibre pour notre avenir énergétique.
Selon Jacques Percebois, Directeur du CREDEN, pour parvenir à mettre en place des solutions concrètes, il faudra dépasser plusieurs incertitudes, que ce soit financièrement (il faudra réguler pour investir), du côté des ressources d’énergies fossile restantes (pourquoi ne pas les utiliser ?) que d’un point de vue technologique (mutations difficiles à prévoir). De plus d’après Jean-Marie Chevalier, « il y a une rigidité structurelle qui peut être illustrée par le fait qu’on ne peut pas changer un milliard de voitures en trois ans. »
L’énergie face aux enjeux internationaux
Lors de cette deuxième table ronde, Thierry Lepercq, Président de SOLAIRE DIRECT, a présenté les différents avantages de l’énergie solaire. Par exemple, il affirme qu’elle serait capable en un jour de produire autant d’énergie que la totalité des réserves de pétrole. Il soulève ainsi l’importance de l’innovation dans ce secteur et de la force que pourrait représenter nos ingénieurs pour la France dans cette compétition mondiale.
Pour André Merlin, Président de MEDGRID, l’avenir serait dans l’interconnexion entre toutes les productions locales d’énergies d’un point de vue mondial, et ce grâce au développement d’un « smart grid ». Monsieur Merlin rejoint ainsi Joël de Rosnay en soulignant le besoin de mettre en relation les producteurs et les consommateurs d’électricité en fonction de l’offre et de la demande (vision modulaire). D’après Léonidas Kalogeropoulos, Vice-Présidente d’ETHIC, l’important serait ainsi aujourd’hui de parvenir à économiser l’énergie produite.
La politique et l’énergie en France
Pascal Perri, Economiste, aborde ici le déficit de la facture énergétique française (63 milliards d’euros), évoquant l’indispensable nécessité de changements. Pour Pascal Hamamdjian, si le monopole d’EDF a su tenir ses promesses – en délivrant une énergie de meilleur coût avec une qualité de service – cela ne semble pas être pour autant une solution pour l’avenir.
Le sujet de la loi NOME et des ses limites est également abordé lors de cette troisième table ronde. Cette loi votée en 2010 a permis aux concurrents d’EDF de lui racheter une partie de sa production électrique afin de la revendre. Une bonne initiative d’après Fabien Choné, Directeur Général Délégué de DIRECT ENERGIE, mais une compétition inéquitable pour les nouveaux acteurs. En effet, les tarifs d’électricité restent moins avantageux pour les entreprises autres qu’EDF.
Aujourd’hui, l’offre s’adapte à la demande. Pour l’avenir, il serait intéressant d’inverser ce schéma, afin de rendre les consommateurs « consom’acteur ». Si la concurrence ne fait pas baisser les prix, elle permet néanmoins de proposer une offre plus adaptée au client, lui permettant ainsi de réduire sa facture énergétique.
L’ancienne Ministre de l’Environnement et députée européenne, Corine Lepage, conclut le colloque. « Aujourd’hui, le terme de transition écologique est à la mode mais je préfère parler de transition tout court. »
Pour Madame Lepage, il est important de penser production « locale » en suivant le modèle de plusieurs communes devenant progressivement autonomes en énergie, et revendant leurs bénéfices de l’électricité aux acteurs locaux et aux contribuables. Il s’agit pour la députée d’un modèle d’avenir. Pour en savoir plus sur le compte rendu de colloque organisé par Ethic.
Vous trouverez ci-dessous un extrait video de l’intervention de M. Joel de Rosnay.