Le secteur du chauffage et du refroidissement est le plus énergivore de l’Union européenne (UE) : 50% de l’énergie finale consommée par les Etats membres sert ainsi à chauffer ou refroidir les bâtiments privés et publics. 75% de cette énergie est fournie par des énergies fossiles[1] (gaz, charbon, fioul, etc.).
Optimiser la consommation de ce secteur est donc une nécessité, compte-tenu des objectifs énergétiques et environnementaux fixés fin 2014 par l’UE pour l’horizon 2030 (27% d’efficacité énergétique et 40% de réduction des émissions de gaz à effet de serre) et des ambitions affichées au cours de la COP 21 de décembre 2015.
C’est la raison pour laquelle la Commission européenne a présenté, le 16 février dernier, un paquet « sécurité énergétique » contenant une stratégie pour le secteur du chauffage et du refroidissement. Les objectifs affichés : réduire la dépendance de l’Union européenne aux énergies fossiles[2] en encourageant les énergies renouvelables et accompagner les usagers (secteurs résidentiel, tertiaire, industrie) dans un processus d’optimisation de leur consommation et de réduction de leurs factures énergétiques.
Une stratégie pour un secteur prioritaire
Dans un contexte de raréfaction et de renchérissement de l’énergie, la maîtrise de la consommation énergétique liée au chauffage et au refroidissement est un enjeu majeur, que l’on soit citoyen, acteur public, professionnel ou industriel.
D’après la stratégie de la Commission européenne pour le chauffage et le refroidissement, les citoyens de l’UE consacrent en moyenne 6% de leurs dépenses au chauffage et au refroidissement de leur logement et 11% d’entre eux ont du mal à se chauffer convenablement l’hiver. Les chiffres sont encore plus importants pour les secteurs industriel et tertiaire : 73% de la consommation énergétique de l’industrie est dédié au chauffage et au refroidissement, le refroidissement seul pouvant représenter, pour certains bâtiments tertiaires, plus de 40% de la consommation (ex : supermarchés) ou même jusqu’à 60% des coûts d’exploitation (ex : data centers).
Cette situation est, selon la Commission européenne, la résultante d’une combinaison de facteurs divers dont l’insuffisance de l’isolation des bâtiments (externe ou interne), les difficultés à financer les travaux de rénovation, le manque de formation des professionnels de la construction ou encore l’information lacunaire des consommateurs au moment de l’achat d’équipements de chauffage ou de refroidissement et/ou de la rénovation de leur logement.
Pour y remédier, la stratégie présentée par la Commission européenne le 16 février dernier invite les Etats membres à modifier leur cadre législatif pour favoriser les rénovations dans les logements en location et les copropriétés[3], à dédier une partie des financements publics consacrés à l’efficacité énergétique aux actions visant les ménages précaires[4], à se concerter avec les parties prenantes de l’énergie pour améliorer l’information des usagers et les orienter vers des solutions de chauffage et de refroidissement plus performantes et durables (pompes à chaleur, solaire thermique)[5] ou encore à soutenir les initiatives locales et régionales en matière énergétique et environnementale.
Bien qu’elle espère que la transition énergétique européenne sera principalement soutenue sur le long terme par des investisseurs privés, l’Union européenne entend encourager financièrement les initiatives nationales. En effet, les fonds structurels et d’investissements européens (ESI) et le Programme de recherche et d’innovation « Horizon 2020 » devraient consacrer 21,5 milliards d’euros à l’efficacité énergétique et 7,85 milliards aux énergies renouvelables (au bénéfice notamment du secteur du bâtiment), sans compter les 315 milliards d’euros mobilisables par le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI).
Une stratégie bientôt soutenue par des initiatives concrètes au niveau européen
Le paquet « sécurité énergétique », dont fait partie la stratégie pour le chauffage et le refroidissement n’est que la première étape de la stratégie énergétique européenne 2020-2030. Deux autres paquets, contenant des propositions législatives et non-législatives concrètes, seront ainsi présentés par la Commission européenne au cours de l’année 2016.
Le premier, consacré à l’efficacité énergétique et prévu pour l’été 2016, devrait comprendre des propositions de révision des directives « efficacité énergétique » et « efficacité énergétique des bâtiments » ainsi que les modalités d’un nouveau projet européen de financement « smart funding for smart buildings ». A cette occasion, la Commission pourrait notamment proposer des mesures de renforcement de la fiabilité des diagnostics de performance énergétique (DPE), promouvoir des actions d’efficacité énergétique modèles pour les bâtiments publics, rendre obligatoire les compteurs intelligents pour les bâtiments tertiaires et faire des propositions pour renforcer l’information des consommateurs.
Le second, axé sur les énergies renouvelables et prévu pour la fin 2016, devrait notamment inclure des propositions de révision des directives « énergies renouvelables » et « sécurité d’approvisionnement de l’électricité » ainsi qu’une proposition de réorganisation du marché de l’électricité. Ces différents textes pourraient notamment inclure, d’après la stratégie de la Commission européenne sur le chauffage et le refroidissement, les modalités d’intégration du chauffage thermique dans le processus d’équilibrage du réseau électrique, des initiatives en faveur des solutions d’automatisation du bâtiment et d’autoconsommation ou encore proposer des bonnes pratiques en matière d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables.
2016 devrait donc être une année charnière dans la mise en place de la politique énergétique européenne post-COP 21 même s’il faudra, pour en observer les premiers résultats, attendre l’adoption des initiatives législatives correspondantes au niveau européen ainsi que la fin du processus de transposition en droit interne par les Etats membres. Le chemin à parcourir est donc encore long…
Thaima Samman & Antoine Vitela
www.cabinet-samman.com
[1] Source : Commission européenne.
[2] 53% de l’énergie consommée par l’UE est en effet importée (Source : Eurostat)
[3] En France, ces incitations publiques sont notamment prévues par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et les articles 200 quater (crédit d’impôt pour la transition énergétique) et 244 quater U (éco-prêt à taux zéro) du Code général des impôts.
[4] En France, diverses actions ont d’ores et déjà été adoptées dont le chèque énergie à destination des ménages en situation de précarité.
[5] La Commission européenne demande d’ailleurs aux Etats membres de concentrer en priorité les aides publiques sur les technologies de chauffage et de refroidissement alimentées par des sources d’énergie non-fossiles. D’après elle, les règlements d’écoconception et d’éco-étiquetage applicables depuis l’automne 2015 aux équipements de chauffage et le prochain règlement d’écoconception applicable aux équipements de refroidissement devraient permettre 600 TWh d’énergie par an et 135 millions de tonnes de CO² d’ici 2030.