COP 21 : un tournant à portée de main, même si probablement limité dans la lutte contre le réchauffement climatique
Conférence majeure à dimension internationale organisée du 30 novembre au 11 décembre 2015 sur le site de Paris-Le Bourget, la 21e Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (aussi appelée « COP 21 ») cristallise les attentes[1]. Tout l’enjeu de cette Conférence, considérée comme fondamentale[2], sera de faire émerger un consensus au sein des délégations de 196 pays et de permettre la conclusion d’un accord juridiquement contraignant sur les réponses à apporter au réchauffement climatique. Si l’on peut être optimiste quant aux chances de déboucher sur un accord (1), l’impact des mesures décidées pourrait au final être limité en raison des divergences fortes entre les blocs constitués des 196 pays participants (2).
Un contexte qui n’a jamais été aussi favorable à un accord
L’histoire de la lutte contre le réchauffement climatique semble n’être qu’un éternel recommencement depuis la prise de conscience des effets de l’empreinte carbone sur la planète. Suite à la signature, le 19 mai 1992 à New York, de la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, 20 conférences internationales (« COP ») émaillées d’échecs se sont succédées, en raison notamment de l’incapacité de la Communauté internationale à mettre de côté les égoïsmes nationaux et à instaurer un cadre d’action permettant d’atténuer l’impact environnemental de deux siècles d’exploitation industrielle intensive.
En 2015, la donne pourrait avoir enfin changé avec une prise de conscience des grands pays pollueurs des conséquences du changement climatique sur la planète : l’Inde a promis de réduire son intensité carbone de 35% d’ici 2035 par rapport à 2005 ; la Russie s’est engagée envers la Ministre Ségolène Royal à soutenir l’adoption d’un accord contraignant applicable à tous ; la Chine s’est engagée en juin 2015 à réduire d’ici 2030 ses émissions de GES de 60 à 65% par rapport à 2005[3] du côté des Etats-Unis, le président Barack Obama a présenté en mars dernier un objectif de réduction des émissions de GES de 28% d’ici 2025 par rapport à 2005[5] et enfin François Hollande a rencontré le président chinois Xi Jiping le 2 novembre dernier afin d’adopter une position commune en faveur d’un « accord ambitieux et juridiquement contraignant[4] ». Le président d’équilibre des énergies, Serge Lepeltier, ancien ministre et ancien ambassadeur climat était l’un des invités du Président de la République lors de ce voyage à Pekin début novembre.
A titre de comparaison, l’Union européenne – très active sur le sujet depuis l’adoption de la stratégie « Europe 2020 » – a adopté le 18 septembre 2015 une position commune confirmant l’objectif de réduction de 40% de ses émissions de gaz à effet de serre (« GES ») d’ici 2030 par rapport à 1990.
Afin de profiter du volontarisme affiché par la communauté internationale[6] et maximiser les chances de succès de la COP 21, la présidence française en a régulièrement dramatisé les enjeux et s’est assurée de prendre le contrepied de la tristement célèbre Conférence de Copenhague de 2009 en s’assurant que les chefs de 80 pays (Etats membres de l’Union européenne, Inde, Etats-Unis, Chine, etc.) seraient présents dès l’ouverture de la Conférence pour créer une impulsion positive et avancer rapidement sur la voie d’un compromis[7].
Des divergences nationales encore profondes
Si les nations prennent de plus en plus conscience de la réalité et du danger du réchauffement climatique, nous sommes encore loin d’un consensus sur les solutions à apporter. Malgré le volontarisme récemment affiché par de grands pays pollueurs comme la Chine, l’Inde, la Russie ou les Etats-Unis, la réussite de la COP 21 demeure incertaine en raison des intérêts divergents des 196 pays participants et des contraintes nationales (notamment sur les sources et infrastructures d’accès à l’énergie).
Le projet d’accord qui servira de base de négociation à la COP 21, dévoilé le 23 octobre à Bonn à la suite de négociations particulièrement difficiles, en est la dernière illustration : de nombreuses clauses y sont ainsi rédigées sous forme de propositions alternatives ne permettant pas la construction d’un cadre commun et cohérent. Si l’on pouvait raisonnablement s’attendre à des crispations sur le degré de contrainte imposé par l’accord[8], la répartition des obligations[9] ou encore le financement de mécanismes d’aides au profit des pays en développement[10], le projet d’accord met surtout en valeur l’absence d’accord sur l’objectif à atteindre[11] – à ce stade, l’objectif de limitation à 2° C de la hausse de la température globale d’ici 2100, seul objectif chiffré défini lors de la conférence de Copenhague[12], n’est même pas garanti de figurer dans l’accord final – ou encore sur le calendrier à respecter.
Fortement critiqué dès son annonce pour son manque de lisibilité, le projet d’accord adopté à Bonn a quelque peu douché l’enthousiasme de la délégation française qui espérait qu’un consensus serait trouvé dès octobre sur une grande partie des points litigieux[13]. L’accord contraignant tant désiré reste cependant possible : la France dispose encore de plusieurs opportunités d’ici le début de la Conférence[14] pour tenter de rapprocher les positions (François Hollande espère notamment que l’accord trouvé le 2 novembre dernier avec le président chinois Xi Jiping permettra d’influencer les autres pays) et la dramatisation entourant l’évènement ainsi que la présence de nombreux chefs d’Etat dès le lancement pourraient au final contribuer à créer l’impulsion qui a manqué jusqu’ici. On ne peut que le souhaiter… et l’atelier-débat d’EdEn du mercredi 18 novembre prochain avec Monsieur André-Jean Guérin, Directeur de la Fondation Nicolas Hulot, permettra de développer cette analyse sur l’engagement d’un très grand nombre de pays pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre à la veille de la COP21. Inscrivez-vous gratuitement ici.
Rédigé avec la participation de Antoine Vitela et Steve Krief
[1] Le Président François Hollande a d’ailleurs fait de cette COP 21 l’un des enjeux de son quinquennat.
[2] Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la température globale à la surface de la Terre et des océans pourrait, si rien n’est fait à temps, augmenter jusqu’à 4,8 °C d’ici à 2100 (rapport de 2014 du GIEC), avec les conséquences suivantes : vagues de chaleur plus fréquentes et plus longues, montée des eaux, multiplication des évènements météorologiques extrêmes (ouragans, etc.), …
[3] D’après les observateurs, le revirement de la Chine aurait pour origine le fait que la forte pollution des villes chinoises en raison des émissions de CO² est devenue une préoccupation majeure pour les Chinois.
[4] La déclaration commune prévoit notamment un mécanisme de révisions tous les cinq ans sur les engagements des pays et souligne la nécessité d’une tarification du carbone.
[5] Il reste cependant à voir dans les faits comment Barack Obama abordera la COP 21 sachant qu’il lui sera quasi-impossible de faire ratifier un accord contraignant par un Congrès à majorité républicaine…
[6] On peut d’ailleurs constater un réel intérêt des pays pauvres, particulièrement vulnérables au changement climatique, pour la COP 21.
[7] Laurent Fabius a déclaré à ce sujet : « Nous avons pris avec François Hollande la décision d’inviter les chefs d’État le premier jour, et pas à la fin comme cela avait été le cas à Copenhague, car cela avait eu deux conséquences : les négociateurs avaient attendu les chefs d’État pour négocier et les chefs d’État n’avaient rien résolu […] D’où l’idée d’avoir en début de COP une impulsion des responsables politiques ».
[8] Le texte, rédigé en anglais, propose ainsi fréquemment le choix entre les verbes « shall » et « should » qui traduisent des niveaux de contrainte bien différents. Certains voient dans cette hésitation une réponse à la problématique des Etats-Unis qui aura de sérieuses difficultés à faire ratifier par le Congrès un accord international contraignant. De plus, de nombreux articles au contenu contraignant (ex : article 2 sur l’objet de l’accord, article 2 bis sur la mise en œuvre par les pays de leurs engagements nationaux, article 5 sur les pertes et dommages, etc.) proposent une option consistant en leur suppression pure et simple.
[9] Les pays développés ne veulent pas porter seuls la responsabilité de la lutte contre le réchauffement climatique, raison pour laquelle ils ne veulent pas d’obligations différenciées entre pays développés et pays en développement (une des options proposées dans le projet d’accord consiste justement dans la suppression de cette différenciation). A l’inverse, les pays en développement mais également les nouvelles puissances économiques comme la Chine souhaitent que les pays développés assument leur responsabilité historique dans le changement climatique.
[10] Les 196 pays ne se sont toujours pas entendus sur le financement du « fonds vert » pour l’adaptation des pays en développement au changement climatique (seuls 10 milliards de dollars avaient été récoltés par le fonds en 2014 alors que le financement nécessaire à l’adaptation au changement climatique est estimé à 100 milliards de dollars par an d’ici 2020…). Par ailleurs, les pays développés refusent la mise en place d’un fonds de compensation pour les pertes et dommages subis par les pays en développement ou insulaires en raison du changement climatique (ex : phénomènes naturels comme les ouragans, etc.).
[11] Cf. note n°8.
[12] A noter d’ailleurs que les Nations Unies reconnaissent elles-mêmes que les engagements des Etats ne permettront pas de limiter le réchauffement à 2° C, le vrai chiffre étant plutôt proche de 3°C.
[13] Laurence Tubiana, représentante spéciale pour la COP 21, a elle-même admis à l’issue des négociations de Bonn que le texte n’était pas exactement celui qu’elle espérait pour le début de la Conférence de Paris.
[14] Après la « pré-COP » organisée du 8 au 10 novembre 2015 en présence de plus de 80 ministres, d’autres opportunités se présenteront au cours des « Vingt-quatre heures pour le climat » organisées les 13 et 14 novembre à Paris par l’ancien Vice-président américain Al Gore, du G20 des 15 et 16 novembre prochains en Turquie et du sommet du Commonwealth du 27 novembre à Malte.